Dans cet article, Malou, qui vient de rejoindre la petite équipe rédactionnelle du Blog sur les dauphins, témoigne de ce à quoi ressemble une journée pour les mammifères marins enfermés au Marineland d’Antibes…

A Antibes, ce n’est ni la vie, ni le paradis

Cela faisait au moins deux ans, si ce n’est trois, que je n’étais pas allée voir les animaux du parc marin d’Antibes. La dernière fois, il y avait des cowboys à l’entrée du parking qui faisaient la circulation et indiquaient aux visiteurs où se garer sans leur laisser le choix… Le Marineland venait d’être racheté par Parques Reunidos.

Une orque du Marineland d'Antibes, derrière la vitre de son bassin...

En cette journée d’août, j’arrive à Antibes après 2 bonnes heures de route. Plus de cowboy à l’entrée ! Je sors de la voiture et me dirige vers les caisses. Il est 10h, l’entrée est déjà bondée. Avec le forfait deux jours, je passe sur une autre file où la queue est moindre, je suis parmi les premières à rentrer.

Je vais immédiatement au bassin des dauphins, que les soigneurs sont en train de nettoyer. Joséphine suit la soigneuse, qui me dit bonjour en passant. Je reste un bon moment appuyée sur le bord du bassin, j’aperçois Malou et la petite Nala, toutes les deux à part dans le bassin du fond tandis qu’un autre dauphin revient régulièrement attendre derrière « la porte » (probablement Eclair). Au bout d’un moment, je quitte ce bassin pour aller voir les autres, entre autres celui des orques. Et la journée passe au fur et à mesure… Un spectacle de dauphins le matin. Je ne vais pas à celui des orques. Deux spectacles des dauphins l’après-midi, deux pour les orques aussi… Puis arrivent les nocturnes.

Autant j’adore ces animaux depuis que je tiens debout (sinon avant), autant je me sens toujours malheureuse pour eux de les voir sauter, danser, chanter… sur commande. Certains diront : « Oui, mais là au moins, ils sont heureux, ils sont bien traités. » Ils ont à manger, sont « à l’abri » des menaces extérieures telles que la pollution, les filets dérivants, etc. ! A en croire certains discours, on serait presque au pays des Bisounours ! Mais c’est FAUX !

Je crois surtout que si l’on pense cela, c’est pour se donner bonne conscience et légitimer le fait d’aller dans ces parcs… Imaginons que pour protéger nos chères têtes blondes des menaces extérieures, on les enferme dans leur chambre en leur apportant un plateau repas, qu’ils soient sages ou pas parce qu’il faut qu’ils mangent pour être en bonne santé, et cela jusqu’à la fin de leurs jours… Certains s’y habitueraient peut-être, mais bon nombre d’autres envisageraient une autre issue… C’est aussi ce qu’il se passe dans ces parcs…

Certains arrêtent de s’alimenter ou de respirer (acte volontaire chez eux, contrairement à nous), d’autres se jettent contre les parois de leur bassin, et d’autres supportent tant bien que mal de vivre dans une flaque d’eau…

On laisse désormais aux dauphins la possibilité de jouer avec les balles utilisées lors des spectacles

Ce que je remarque au cours de l’après-midi, contrairement à mes précédentes visites (aussi peu nombreuses fussent-elles), c’est que les dauphins jouent avec les gens autour du bassin. Les soigneurs leur laissent désormais les petites balles qu’ils utilisent pendant les spectacles et les dauphins les lancent aux gens ! Un échange se crée, comme avec un enfant : je t’envoie la balle, tu me la renvoies, et ainsi de suite…

Après le nocturne, je me dirige vers la sortie et rejoins l’hôtel où je dois passer la nuit.

Le lendemain matin, je suis réveillée tôt : 6h30-7h, je crois.

Je me douche, rassemble mes affaires (il y en a partout vu ma désorganisation reconnue). Un dernier tour dans la chambre pour vérifier que je n’ai rien oublié, je règle l’hôtel, et direction le Marineland pour lever le voile sur cette fameuse journée “VIP”.

8h30, je suis devant le parc. A 9h, deux soigneurs viennent nous chercher, nous sommes un peu moins d’une vingtaine, répartis en deux groupes. Après quoi, les deux groupes se séparent, chacun avec « son » soigneur.

La nôtre est spécialiste des otaries, chargée du bassin de rencontre avec ces animaux. Nous commençons par un petit tour chez les manchots, où on nous explique des choses diverses et variées. Nous nous arrêtons sur les otaries, où on nous parle de différentes espèces : Steller, Californie, Patagonie…

Le bassin des otaries au Marineland d'Antibes

On nous explique également certaines de leurs mœurs, puis on nous parle un peu de l’apprentissage pour les spectacles. Et ici, “elles sont bien parce que justement loin des menaces naturelles…” Tiens, j’ai déjà entendu ça quelque part ! Serait-ce que la soigneuse, fort sympathique au demeurant, a besoin de SE convaincre de la légitimité de son travail, et de NOUS convaincre par la même occasion ? Je me dis qu’en tout cas, elle a bien appris sa leçon…

Ensuite, nous passons chez les phoques, puis à ce que j’appellerais « la cantine des dauphins », l’endroit où les seaux de poissons sont préparés, les fiches de suivi de chaque animal stockées… On nous présente une des fiches, j’observe bien les noms, il y en a certains que je ne connais pas. Tandis que d’autres, que je connaissais, n’y figurent pas… Kaly, où est Kaly ???

Je pose la question à la soigneuse : “Elle est au bassin des rencontres” ! Bah tiens, bien sûr, déjà qu’elle a perdu sa mère, en plus, on la met là où elle se fera pattioler (comme dirait ma grand-mère) par les badauds qui veulent assouvir un vieux rêve de môme : toucher un dauphin ! Je pose la question qui fait mal (même si je connais déjà la réponse, malheureusement) :

– Et Manon, elle est où ?
– Elle est morte depuis un petit moment, maintenant !

Au Marineland, comme ailleurs, il est préférable de ne pas poser les questions...

Après cela, nous voilà en face de la soigneuse et d’une jeune femelle dauphin, Mila.

Un gamin de notre groupe pose LA question qui me taraude moi aussi…

– Qu’est-ce qu’elle a à l’œil ?
– A ton avis, lui répond la soigneuse.
– Elle s’est battue ?
– Bah oui, tu vois, ça arrive chez les dauphins aussi… (avant cela, on nous avait expliqué en début de matinée qu’il y a deux mâles chez les otaries, un père et son fils, et que pour les femelles, le fils a mis son père minable… Résultat, ils ont dû les séparer pour éviter une issue fatale au conflit. A en voir les marques sur le père, effectivement, le combat avait dû être vraiment violent…).

La réponse me laisse perplexe…

Aujourd’hui il y a dans ce bassin, pour assurer les rencontres, Mila, Némo, Alizée et Kaly.

Et nous voilà en train de faire des gestes à Mila pour qu’elle chante, saute… Je souhaite intérieurement  que Mila n’exécute pas les ordres… Mais elle ne se rebiffera pas, et viendra appuyer le bout de son rostre sur la main de la soigneuse, comme l’a fait Isidore avant elle, pour se faire caresser le haut du melon, puis le ventre. Encore une petite caresse et on s’en va quitter nos combinaisons caoutchouteuses et récupérer nos affaires. Je reste à prendre quelques photos en attendant les autres… Au final, ce sont eux qui m’attendent… Oups, désolée ! Mais j’ai mes clichés, tandis que les accompagnateurs du groupe suivant sont en place et les gens de ce groupe en train de se préparer.

Le bassin des rencontres du Marineland d'Antibes

Mes pieds suivent mon groupe, ma tête est restée avec Mila… et ses congénères. Nous, déjà nous étions 7, et j’ai trouvé que ça représentait du monde pour l’animal. Quand on sait que les groupes qui n’achètent qu’une rencontre (sans la visite) débarquent à 20 personnes, et ce à raison de plusieurs fois par jour… Si on se met dans la peau grise et blanche du dauphin, ça fait rêver non ?!…

En attendant, on a changé d’accompagnateur et les deux groupes du départ sont réunis pour aller prendre le petit-déjeuner. Pendant le repas, on nous explique qu’on ne peut pas forcer les orques, dauphins ou autres animaux à exécuter un numéro. Ils l’exécutent s’ils le veulent et s’ils ne veulent pas, on ne peut rien faire…

– Tenez, par exemple hier, pendant le spectacle du matin, les orques sont parties s’expliquer un moment en laissant tout en plan. Je ne pense pas que les gens s’en soient aperçus, mais elles ont réglé un conflit entre elles et sont revenues assurer le spectacle tout de suite après.

On nous dira aussi que :

– Chez les orques, ce sont les femelles qui dirigent le groupe. Ce qui veut dire qu’après Freya, la numéro deux, c’est Wikie, la plus petite. Et Inouk et Valentin n’ont qu’à bien se tenir.

On nous explique comment les reconnaître, selon la dorsale ou la taille.

Et pour les naissances ? Oui, alors pour éviter les consanguinités, on procède par inséminations artificielles ! BAM, BOUM, PATATRA ! Là, j’ai immédiatement une pensée pour l’argument qu’utilisent tous ces parcs : « Oui, mais chez nous, les dauphins sont heureux, il n’y a qu’à voir le nombre de naissances que l’on a chez les orques et les dauphins ! »

Là, je ne sais plus si je dois rire ou pleurer… Nous sommes en 2010, en France et on jure par l’éthique quelque chose qui à mon sens ne l’est pas ! On insémine des animaux pour éviter les consanguinités, on en fait des machines à reproduire, et en plus on en est fier ! Je rêve… ! Non, pardon, je suis en plein cauchemar ! En pleine hallucination ! Je bois la tasse (de café…) !

Des ours polaires à Antibes...

Derrière, on passe chez les ours polaires, nouveaux pensionnaires que le parc exhibe : Flocke et Raspoutine. D’ailleurs, à propos des ours, on nous dit qu’il arrive fréquemment que les parcs se « prêtent » des animaux… Là, c’est à Shouka que je pense, Ona et Silver aussi… Il évoque le cas d’une orque partie aux USA… Je lui réponds : Shouka !

– Oui, c’est ça.
– Et vous avez des nouvelles ??
– Hum… Je crois pas non, mais je ne suis pas là depuis longtemps. Mais je ne crois…

Après les ours, on passe chez les orques pour voir le spectacle du matin depuis le côté du bassin. On assiste donc aux acrobaties de ces géants des mers sur fond – ironie du sort et excusez du peu – de « Will You Be There » ! N’est-ce pas la musique de fin du film Sauvez Willy, une fois que l’orque a retrouvé la liberté ?!…

Les orques du Marineland d'Antibes

Après le spectacle, il y a une séance photo, comme avec Isidore. On fait sortir Inouk plusieurs fois sur la plateforme, en lui faisant lever la queue, pendant que le visiteur s’accroupit à côté. On nous presse car “c’est une position inconfortable pour l’animal…” Bah tu m’étonnes ! Un animal dont le squelette n’est pas conçu pour supporter le poids de son corps en dehors de l’eau…

Dire que lorsque j’ai visité ce parc à l’adolescence, je l’ai trouvé fantastique… En réalité, comme tous les autres, il détient des animaux dont la place est en liberté et certainement pas dans une flaque d’eau, à faire des acrobaties sur commande, à se prêter au « jeu » des caresses par le public juste parce que la personne a payé pour ça… C’est un moyen de faire rentrer de l’argent pour subvenir aux frais de vie des animaux, a-t-on soulevé dans un reportage peu de temps avant ma visite… A cela, j’ai juste envie de répondre : “Laissez ces animaux dans leur habitat naturel, laissez-les choisir de venir ou non rencontrer les gens ! Non seulement vous n’aurez plus à innover en inventant des programmes à la fois « au détriment des animaux, mais aussi pour leur bien » (là aussi, ironie du sort…) mais eux, ils auront enfin gagné le droit de vivre en liberté, ce qui me semble juste être le droit le plus élémentaire de tout être vivant…”

A méditer.

les dauphins n'ont pas leur place dans les flaques d'eau des delphinariums !