Entretien avec Yvon Godefroid
Activiste et fondateur du site dauphins Libres

Yvon Godefroid Yvon Godefroid a créé dauphins Libres en 1997, un site qui est depuis devenu une référence francophone incontournable en matière de captivité des dauphins. Antispéciste écologiste radical, avocat indéfectible de la liberté des dauphins, des cétacés et de tous les animaux, il travaille aujourd’hui en collaboration avec le Sea Shepherd du Capitaine Paul Watson. Suite à la découverte de son site, j’avais réalisé une première interview avec lui en 2004, dans le cadre d’un travail de recherche. Sur la base de ce texte, je lui ai posé de nouvelles questions. Voici l’interview très complète qui en a résulté.

Question : D’où est venu votre intérêt pour les dauphins ?

Yvon Godefroid : Né en 1950, je connaissais les dauphins depuis 1966 suite à la lecture du livre prophétique Dauphin, mon cousin de Robert Sténuit et du roman de Robert Merle Un animal doué de raison.

A l’époque, à l’Athénée d’Uccle (on dit « lycée » en France) où j’ai fait mes études secondaires en section gréco-latine, il fallait passer devant un jury dans le cadre d’un « examen de maturité ». Je suis arrivé là avec un exposé sur le langage des dauphins. Les professeurs se tordaient de rire. J’ai bien failli être recalé… Un animal qui parle, allons donc ! Vous vous moquez ? Restons sérieux ! Les études scientifiques ultérieures ont pourtant confirmé les premières découvertes de John Lilly, de Robert Merle et de Robert Sténuit…

En ce qui me concerne, fort heureusement, j’étais très bon en Grec et en latin – je suis d’ailleurs passé au sanskrit par la suite par pur plaisir d’apprendre des langues exotiques – et j’ai donc eu mon diplôme (l’équivalent du BAC en France)…

J’ai également assisté à l’arrivée d’Iris et d’Ivo en 1981 au Zoo d’Anvers, ce qui m’a rendu fort mal à l’aise par rapport à ces piscines pour cétacés. Je ne pouvais croire qu’on puisse entasser tant de dauphins dans un espace si petit. Je pensais qu’ils disposaient de bassins annexes, plus vastes, quelque part. Erreur : il n’y avait qu’une cellule d’isolement prévue, pour punir les mâles rétifs…Le delphinarium de Bruges en hiver - Photo www.dauphinlibre.beMais mon « entrée en activisme » n’a eu lieu que bien plus tard, vers 1994, au terme d’un premier face à face direct avec un dauphin libre en pleine mer. Même si la « nage avec les dauphins libres » est une activité touristique à contrôler très sévèrement aujourd’hui, il n’empêche que ce type de rencontre a un impact inimaginable sur la plupart des personnes qui ont eu la chance de la vivre. Aucun « animal sauvage » ne se conduit comme le dauphin en ces circonstances…

Aucun, à part l’Homme.

Q : Pourquoi faut-il que ces « nages avec les dauphins » soient plus sévèrement encadrées ? Quelles sont les dérives ?

Yvon Godefroid : Lorsque Wade Doak ou Jim Nollman ont nagé pour la toute première fois avec des dauphins libres, c’était la fête en mer !Wade Doak prenant un dauphin en photo - Photo www.waynecostar.comDans les années 60-70, personne ne songeait à se livrer à ce genre d’exercice et les dauphins étaient tout heureux et fort curieux de faire notre connaissance de plus près. Ils n’avaient plus connu cela depuis les Crétois. Moi-même, lorsque j’ai nagé avec mon premier dauphin à Panama City Beach, puis avec bien d’autres de nombreuses années de suite, nous n’étions encore qu’au début des années 90. Les américains ne s’intéressaient guère à ces « animaux », si ce n’est en delphinarium, et nous n’étions donc qu’un mini-groupe d’Européens à mener notre bateau jusqu’au « Dolphin point », un lieu de chasse apprécié des cétacés, à la croisée de courants marins, puis à attendre qu’ils viennent nous inviter à descendre dans l’eau. Ils arrivaient nombreux, joyeux, un peu comme des enfants d’un village africain isolé qui viennent à votre rencontre avant que les adultes ne se présentent leur tour. Surtout des jeunes, bien sûr, qui n’avaient jamais encore jamais d’humain sous l’eau, c’est-à-dire « en vrai » et en profondeur…

La nage avec les dauphins est devenue une véritable industrie, par exemple ici au Dolphin Conservation Center Touristes avec des dauphins à Panama Beach City

Puis le temps a passé. Les américains ont commencé à nourrir les dauphins de Panama City Beach, la mode s’est répandue en Egypte et ailleurs, et aujourd’hui, force est de reconnaître que la nage avec les dauphins, particulièrement avec les sténelles, est devenue un véritable fléau pour ces malheureux. J’ai vu cela aux Bahamas, avec les Tachetés, et j’ai encore du assister à ce triste spectacle en avril dernier à Maurice, où même une femelle Tursiops ne parvenait pas à allaiter son bébé tranquillement. Quant aux Spinner dolphins, plus nombreux, ils étaient pourchassés sans relâche en pleine heure de sieste par des hordes de touristes idiots qui se jetaient à l’eau et les poursuivent bien en vain. Le tout orchestré par des « opérateurs » sans permis ni scrupules qui communiquaient via leurs portables. Soit quarante bateaux pour deux dauphins…

L’Humain est partout, désormais, en tous lieux, et son besoin de Nature le pousse à la détruire. Si le whale-watching à distance reste admissible et même conseillé, tant qu’il respecte des règles draconiennes et qu’il protège les cachalots des tueurs japonais, par exemple, descendre dans l’eau avec ces créatures ne devrait plus se faire que dans un but scientifique, et non à titre de loisirs. Imaginez que même avec les « ambassadeurs » (tel Dony-Randy-Georges, que j’ai rencontré à Dinterloord aux Pays Bas et que Sandra Guyomard de « Réseau Cétacés » protège encore de toutes ses forces) et qui sont pourtant demandeurs de contacts rapprochés, personne ne s’est jamais soucié d’enregistrer ce que ces dauphins disaient – sifflaient/cliquaient – alors qu’il s’agit là de leur principal mode de communication : le langage ! Oui, je reste partisan de ce type de dialogue dans le milieu de vie du cétacé, mais d’une manière contingenté, constructive, antispéciste et scientifique – c’est un pléonasme – de nature à réaliser d’authentiques dialogues en toute liberté avec ce Peuple premier de l’Océan… Ken LeVasseur ne dit pas autre chose…

Q : Le renforcement de ma passion pour les dauphins est née d’une rencontre un peu similaire (même si je n’ai pas nagé avec eux – ni nourris – et même si, malheureusement, ce n’était pas avec un dauphin libre mais au Dolphin Research Center, dans les îles Keys en Floride). La sensation que vous décrivez peut effectivement être très forte. Comment cela s’est-il passé ? Et comment décririez-vous ce que vous avez perçu et/ou ressenti ?

Yvon Godefroid : Bon. Je ne ferai pas de commentaires sur le DRC, dont je connais les coulisses, mais c’est toujours mieux que le delphinarium de Bruges. Par essence, un dauphin captif est un dauphin «brisé», arraché à sa famille, privé de sa culture, de toute la richesse de son mode vie normal. Côté « flash ressenti », je n’ai jamais osé raconter en détails les merveilleuses expériences vécues durant ces rencontres réellement magiques, de peur de ne pas être pris au sérieux. Ce qui est sûr, comme je vous l’avais déjà dit, c’est que c’est suite à ce tout premier échange que tout a commencé.Willy Volk - Un dauphin des Bahamas

J’étais là face à un Tursiops strié de cicatrice et donc sans doute aussi âgé que moi, qui se tenait en position verticale et me scannait intensivement le centre du front, juste entre les deux yeux, puis le corps puis le front. Ca picotait un peu, le dauphin y allait fort car il sondait profond !

Après, il m’a pris doucement la main et nous sommes partis nager ensemble côte à côte…

Or, c’est précisément à la suite de cet émouvant échange de « personne à personne » que j’ai décidé, dès mon retour, de me battre contre les delphinariums en Belgique de toutes mes forces. J’avais entendu cet appel lancé par ce premier dauphin libre («Aidez-nous ! Aidez-nous ») qui n’a plus jamais quitté mon esprit et qui m’habite encore. En sortant de l’eau, en remontant sur le pont, dois-je vous l’avouer, j’ai retiré masque et tuba et pleuré comme un gosse…

OK, ça ressemble à de la télépathie, je n’aime pas trop parler de ça, c’est très intime, comme un éveil mystique, (alors que je suis pourtant quelqu’un de très rationnel) mais le fait est là…

Et tant d’autres anecdotes qui frisent le conte de fée….

Force est d’admettre aussi que j’ai eu beaucoup de chance, car les dauphins semblaient réellement aimer jouer avec moi, me regarder tous en rond en train de leur faire des dessins sur le sable blanc, poser leur rostre sur mon épaule, me mordiller les doigts, appendices bizarres qui les fascinent tout comme les moteurs de bateaux, bref, nos capacités technologiques qu’ils ne possèdent pas. (Voir encore les vidéos de Pamela Carson et de Sandra Guyomard où l’on voit l’ambassadeur Jean-Floch étudier et scanner un moteur de hors-bord pendant des heures.)

Mais c’était en octobre, le plus souvent, hors saison touristique.

Aujourd’hui, même là-bas, la nage avec les dauphins est devenue une industrie, sous-tendue par un pseudo-delphinothérapie, et les dauphins viennent moins souvent. Il faut aussi aller les chercher, voire les poursuivre, et j’ai donc renoncé à retourner à Panama City Beach. Mais je pense à eux souvent… Sans eux, mes yeux ne se seraient pas ouverts.

Q : Pensez-vous que les dauphins « possèdent une intelligence et un langage équivalents ou supérieurs au niveau humain » (Kenneth LeVasseur) ? A quel niveau estimez-vous cette intelligence ?

Yvon Godefroid : Au niveau de la puissance de calcul de l’encéphale qui la génère. Le cerveau dauphin est conçu pour penser.

Il semble aujourd’hui évident que cette intelligence, dont certains aspects (émotionnels, notamment) sont communs à ceux de l’homme mais d’autres tout à fait exotiques, est à ce point prodigieuse que nous ne pouvons pleinement l’appréhender.  Le professeur Belkovitch reconnaît par exemple que les sons émis par les bélougas sont trop complexes que pour pouvoir être analysés par un être humain… Et de nouvelles recherches, menées avec des moyens techniques de plus en plus sophistiqués, que vous avez d’ailleurs relayés, confirment cette évidence…

Q : Pensez-vous qu’il sera possible d’établir une communication interspécifique un jour, et cela constitue-t-il et constituerait-il un facteur important dans notre manière de voir les dauphins ?

Yvon Godefroid : Bien sûr, ce serait parfaitement possible si on le voulait vraiment et qu’on y mettait les moyens. Mais toute l’idéologie anthropocentriste qui fonde nos sociétés humaines s’y oppose actuellement pour des raisons économiques.

De la même manière que le racisme existait pour justifier l’esclavage des Noirs au siècle dernier, le « déni de conscience » spéciste est pratiqué à l’égard du dauphin pour pouvoir l’exploiter de manière récréative, alimentaire et militaire.Louis Herman au Marine Mammal Laboratory de Kewalo Basin - Photo de Alan Levenson

Q : Pensez-vous que certaines institutions militaires fassent de la rétention d’information à ce sujet, alors que l’établissement d’une réelle communication interspécifique représenterait une immense découverte ?

Yvon Godefroid : Ca, vous le savez aussi bien que moi, puisque vous avez interviewé ce bon vieux Ken une nouvelle fois ! Il m’a tout appris à l’époque, nous nous sommes beaucoup écrit dans les années 90 et son site reste une référence inchangée mais inaltérable depuis lors ! Car ce type audacieux et génial, qui a tout de même rendu la liberté à deux dauphins captifs de Louis Herman à Hawaï et perdu son emploi aussi sec, a mis le doigt d’emblée sur cette relation-clé entre l’armée et l’industrie du dauphin captif.

Pourquoi le Dr Wayne-Batteau est-il mort de façon si brusque et si mystérieuse ? Pourquoi Vladimir Markov, que j’avais réussi à contacter il y a de cela quelques années, a-t-il refusé de me dire s’il avait poursuivi ses travaux sur le langage dauphin ? Et que tous nos contacts se sont interrompus si soudainement ?

Un Navy Dolphin avec son dresseur durant l'invasion irakienne de 2003 Un dauphin de l'US Navy sur le point d'être transporté - Photo static.howstuffworks.com

Bien sûr que tout part de là. Bien sûr que c’est San Diego qui tient ses dauphins en laisse et encourage et maintient en vie cette Industrie du Loisir pour des motifs strictement miliaires. Les Russes de la Utrish Dolphiarium LTD ne font pas autre chose, et sans doute la Chine et le Japon.

Pourquoi ma correspondante Juliana qui dénonçait les horreurs du Delphinarium de St Pétersbourg a-t-elle disparu de la circulation depuis le mois d’août ?

Pourquoi le site suivant est-il censuré ?

Dans un tel contexte, il y a tout intérêt à présenter le dauphin comme un gentil toutou obéissant plutôt que comme un interlocuteur à part entière !

Q : Quelles sont les menaces qui pèsent aujourd’hui sur les dauphins ?

Yvon Godefroid : Essentiellement la pollution chimique des mers, la surpêche, les prises accidentelles et les captures pour les delphinariums.

Q : La loi française interdit la capture de dauphins libres pour les delphinariums. Mais existe-il des trafics enfreignant cette législation ?

Yvon Godefroid : Bien entendu. Vous pensez bien que l’Europe ne peut se contenter de dauphins nés captifs, si fragiles, si déculturés, dont la plupart meurent avant dix ans…

Le delphinarium de Bruges - Photo www.dauphinlibre.beDes dauphins capturés à Taiji ou aux Iles Salomon alimentent BIEN EVIDEMMENT les delphinariums du monde entier ! Ceux d’Espagne (et de Bruges, puisque c’est Aspro Ocio qui tient le marché flamand) ont de bonnes chances d’arriver du Portugal, lequel pays les achète aux Cubains, où la loi permet les captures en mer libre. Il faut des « fondateurs » frais et vigoureux pour renouveler le patrimoine génétique des cétacés captifs et ce n’est pas demain la veille qu’on renoncera, même en Europe, à les utiliser.

Au fait, qui contrôle le respect des recommandations de la CITES ? Qui sait, par exemple, d’où viennent réellement les nouveaux dauphins de Port-Saint-Père, Astérix ou Bruges ? Aucune photo-identification des ailerons dorsaux n’a jamais été faite, nulle part. En bref, tout est permis, car le monde politique s’en fout et ne voit dans l’expansion frénétique des nouveaux delphinariums qui s’ouvrent jour après jour partout dans le monde (Le Maghreb est en train de s’y mettre…) une source infiniment juteuse d’emplois et de profits…

Great Ape Project Q : Pensez-vous que les dauphins doivent avoir des droits ? De quelle sorte ? Par exemple, êtes-vous pour une déclaration de droits équivalente à celle faite avec le Great Ape Project pour les grands singes ?

Yvon Godefroid : C’est évident. Tout animal conscient de lui-même – et cela fait beaucoup de monde ! – devrait bénéficier au minimum du droit à la vie et à la liberté. les dauphins, comme les cachalots, les éléphants, les grands singes, etc. sont en outre exceptionnels en ce qu’ils vivent selon des traditions propres et des cultures propres qu’il nous faut respecter comme toute culture étrangère.

Q : Existe-t-il un projet similaire pour les dauphins ? (Je n’ai pas encore lu « In Defense of Dolphins: The New Moral Frontier ». Peut-être y a-t-il là un équivalent ?) Sinon, à quand un projet similaire pour les dauphins ?

Yvon Godefroid : Aucun projet n’est en cours, si ce n’est le livre que vous citez. Et tout a été fait pour jeter le discrédit sur le concept même d’une Nation Cétacéenne, créé par le Dr John Lilly.

J’y vois une fois encore la main de l’armée de l’Industrie du Loisir, devant lesquelles la grande presse rampe en bavant comme une limace rouge…

Q : Qu’est-ce qui justifie la revendication de ces droits ? Est-ce l’intelligence des dauphins par exemple ?

Yvon Godefroid : Oui, mais aussi le fait qu’en leur accordant de tels droits, nous pourrions les protéger davantage. Cela nous laisserait le temps de mieux comprendre leurs langages et leurs modes de vie (comme le firent les Crétois et les Grecs anciens) et d’en bénéficier de l’influence positive, comme chaque fois que l’esprit humain s’ouvre à des réalités nouvelles.

Fresque des dauphins, Palais du roi Minos Knossos (Crète), datant de 1500 av. J.C. - Source : http://marenostrum.org/bibliotecadelmar/mitologia/dofins_fr.htmFresque d'une tombe étrusque à Tarquinia (Italie) datant de 530-520 av. J.C. - Source : http://marenostrum.org/bibliotecadelmar/mitologia/dofins_fr.htm

Rappelez-vous ce qu’a donné le contact de l’Orient et de l’Occident au 15ième siècle, via l’Espagne occupée par des peuples arabes érudits. : la Renaissance (Erasme, etc.) puis la Révolution française ! Même topo quand la culture extrême-asiatique est apparue en Europe dès le 19ème siècle mais surtout dans les années 70…

Toute culture a intérêt à en fréquenter d’autres et y gagne en puissance !

Q : Pensez-vous que la recherche scientifique justifie la captivité des dauphins ? Pourquoi ?

Yvon Godefroid : Non.

Pourquoi ? Pour les mêmes raisons éthiques qui font que l’on condamne l’expérimentation sur l’être humain.

Iffa Nasir - dauphins captifs faisant des courbettes (Sea World de San Diego)

Q : Quels sont les moyens qui sont (ou devraient être) employés pour faire évoluer la situation des dauphins ? Par exemple, quels sont les rôles de l’éducation, de l’information, de l’action directe dans la revendication de droits pour les dauphins ?

Yvon Godefroid : Les delphinariums et l’industrie de mort qui la soutient a choisi sa cible dès le départ : les enfants. C’est par eux que tout commence et c’est en les informant, en leur montrant des animaux libres plutôt que des captifs, en refusant des les emmener au cirque, au zoo ou au delphinarium que le travail d’éducation pourra se faire en profondeur. L’information aux adultes doit se concentrer sur les caractéristiques culturelles étonnantes des dauphins. Quant à l’action directe, elle n’a de raison d’être que dans la mesure où elle sollicite l’attention de la grande presse, généralement soumise aux diktats des delphinariums.

Q : Vous travaillez actuellement de manière rapprochée avec Paul Watson et le Sea Shepherd. Comment avez-vous découvert cette association et pourquoi l’avoir choisie plutôt qu’une autre ? De quelle manière vous y impliquez-vous à l’heure actuelle ?

Yvon Godefroid : Je connaissais le travail de Paul depuis des années, j’ai lu ses livres et j’ai toujours admiré son combat.The Japanese harpoon whaling vessel the Yushin Maru No. 2 crosses the bow of Sea Shepherd's MY Steve Irwin as Sea Shepherd deck crew members prepare a fast boat to make a pursuit in Antarctica's Southern Ocean on Saturday, Dec. 20, 2008. Sea Shepherd is currently pursuing the Japanese whaling fleet in its 2008-2009 campaign, Operation Musashi. (Photo by Adam Lau/Sea Shepherd Conservation Society)Ce type a un courage dont peu de gens disposent et comme nous tous, amis des dauphins, il a vécu une expérience majeure face à la mise à mort d’un cachalot.

Aujourd’hui que j’ai l’impression d’avoir un peu tout dit et répété à propos de la captivité via mon bon vieux site « dauphins libres et dauphins captifs», et compte tenu du fait que «la maison flambe » ou que le Titanic se rapproche dangereusement de l’iceberg, comme dirait Nicolas Hulot, il m’a semblé urgent de rejoindre et de soutenir, par le biais d’articles et d’informations. C’est l’un des rares types – comme Ric O’Barry – qui ne se contente pas de faire de l’activisme bien au chaud derrière l’écran de son PC mais lutte face à face avec les tueurs de cétacés.

Yvon Godefroid - Photo www.dauphinlibre.be

J’ai bon espoir également de pouvoir en finir avec la prison pour cétacés de Bruges, puisque, comme vous le savez, je plaide depuis toujours pour une « Belgique sans delphinarium» et je pense que la puissance de feu du Sea Shepherd est à même de le permettre.

Logo du Sea ShepherdEn travaillant avec ce groupe, j’ai un peu l’impression de passer du pistolet à bouchon à la Kalachnikov. Car contrairement à ce que certaines mauvaises langues ont pu laisser croire, le Cpt Paul Watson condamne la captivité des dauphins avec la même vigueur que Ric… ou que moi-même. Foi de vieil activiste, je ne lâcherai JAMAIS le morceau non plus. Mes crocs sont plantés dans les jambes du Boudewijn Seapark et il faudra cogner fort pour me faire lâcher prise !

 

Q : Quel serait le moyen de faire reconnaître ces droits de la personne pour les dauphins (la mobilisation internationale, l’information, la « Dolphin Connection »…) ? Quelles sont les difficultés ?

Yvon Godefroid : Une seule émission de télévision en prime time sur une grande chaîne publique suffirait… Mais la puissance de feu médiatique de l’Industrie de la captivité est autrement supérieure à celle des activistes. Sauf que… Voir votre question suivante.

Q : Vous avez sans doute vu l’excellent documentaire The Cove de Louie Psihoyos avec Ric O’Barry. Pensez-vous que le film puisse faire changer la situation à Taiji et au Japon ? Et pensez-vous qu’il soit en train d’ouvrir une nouvelle ère dans la façon dont l’opinion publique perçoit les dauphins et les delphinariums ?

Yvon Godefroid : Je l’espère de tout cœur. « The Cove » est un chef-d’œuvre, de l’avis général et il faut saluer au passage Luc besson de l’avoir mis en scène. C’est le « Grand Bleu » à l’envers…Affiche du film The CoveNous ferons le bilan ensemble, avec Ric, mais là, je pense que oui, réellement, son film constitue un véritable tsunami qui fait trembler les tueurs japonais sur leurs bases de convictions nationalistes aussi imbéciles qu’obsolètes. Cela fait des années que nous manifestons devant l’ambassade de Belgique sans l’ombre d’un résultat, mais ici, le monde politique, si complaisant avec ses chers partenaires économiques, le Japon et la Chine (laquelle massacre toute biodiversité sur cette planète au nom du profit immédiat) devra peut-être se décider à se bouger le cul de manière un peu plus dynamique, dans le cadre de la CBI notamment, et prouver aux citoyens qu’il dispose encore d’une trace de sens moral. Nous y veillerons activement à l’avenir.

Q : Avez-vous quelque chose d’autre à ajouter au sujet des dauphins et d’un droit de la personne en leur faveur ?

Yvon Godefroid : Je ne sais pas. Un moment, un long moment, j’ai perdu l’espoir.

Il est clair que dans un monde où même le droit des minorités ethniques humaines à vivre selon leurs cultures ou le droit des enfants du tiers-monde à vivre leur enfance plutôt que la prostitution ou la guerre ne sont pas respectés, il est illusoire de s’imaginer que les gens puissent se soucier des droits légitimes du Peuple Cétacé…

Cela dit, j’ai rencontré récemment des jeunes tout à fait acquis à la Cause – notamment dans le cadre du Sea Shepherd – et je me réjouis de voir que le flambeau de la révolte contre l’imbécillité technocratique passe désormais de main en main, et qu’une nouvelle génération est prête à se battre pour sauver les baleines, les gorilles, les gibbons, bref, la Terre elle-même… et sa propre survie !

Je sais que malgré ses défauts, le Singe Humain reste une créature d’une grande intelligence, malgré tout le mal qu’elle a pu causer. Je sais enfin qu’elle peut changer de cap dès qu’elle le veut, car toutes les solutions sont là, il suffit de les appliquer. Je serai sans doute mort avant de voir cela, mais oui, je crois encore qu’il existe des Humains conscients de l’interdépendance qui nous unit à tout le Vivant et qui se soucient de l’avenir de notre minuscule Planète Bleue…

Merci, Yvon Godefroid !

A lire :

dauphins Libres, le site d’Yvon Godefroid.