Note du rédacteur

Une amie et moi avons travaillé à l’écriture de cet article après avoir visionné la table ronde organisée par Seaworld. Elle s’appelle KW. Voici la première partie d’une série d’articles dans lesquels nous partagerons nos opinions et sentiments sur la captivité des mammifères marins, ceux qui s’en occupent au quotidien et leurs admirateurs. 

Alors que nous réfléchissions aux points communs entre la captivité des orques et des êtres humains, nous sommes tombées sur un article très intéressant écrit par Rachel Clark. Intitulé “Freeing Lolita from SeaLand” (Libérez Lolita, enfermée à SeaLand), son article dénonce le livre blanc de Miami Seaquarium qui selon elle, est l’archétype même de « l’asservissement psychique ».Nous avons contacté Rachel et elle nous a encouragé à poursuivre notre objectif.

Il n’est pas dans notre intention de minimiser les actes de cruauté envers les êtres humains. Nous voulons juste attire l’attention sur des sujets rarement évoqués dans les médias.

La captivité chez les orques et les êtres humains

La table ronde de SeaWorld s’est tenue le 5 juillet 2014 à LaJolla en Californie. Etaient présents le Dr Todd Robeck, vice président du département de Thériogénologie (l’étude de la medicine reproductive animale), le dresseur KristiBurtis (Seaworld), le Professeur Susan Gray Davisde l’Université de l’Illinois et le  Dr. Naomi Rose de l’Animal Welfare Institute et biologiste marine émérite. La table ronde était présidé par Scott Lewis et Lisa Halverstadt deVoice of San Diego. Le débat a duré près de deux heures.

Nous avons réalisé une chose après cette table ronde, le parallèle entre captivité humaine et captivité des cétacés était légitime. Nous souhaitions explorer ces similitudes.

Comparaison entre Tilikum et Duggard

Pourquoi comparer les orques aux hommes ?

D’après Maddalena Bearzidans son article publié dans National Geographicil n’existe que deux autres espèces de mammifères partageant la même complexité cognitive que les êtres humains : les mammifères marins et les primates. Les orques et les dauphins sont des animaux pourvus de gros cerveaux aux néo-cortex hyper-développés. Le néo-cortex est responsable de la pensée structurée, de la conscience, du langage et du raisonnement dans l’espace. Ils possèdent également des neurones similaires à ceux des humains, responsables de l’intelligence sociale, de la reconnaissance des erreurs, de la motivation d’agir, du self contrôle etc. On rapporte que les dauphins et les orques posséderaient 3 fois plus de neurones que les êtres humains.

Cerveau humain et Cerveau de dauphin

Ce qui les rend fascinants

Pourquoi les dauphins et les orques fascinent-ils tant les êtres humains ? Un dresseur a dit qu’ils étaient attirés par leur vitesse, leur beauté, leur force et leur personnalité. Ce sont des mammifères hautement évolués, capables d’interagir intelligemment avec les gens. Leur cerveau superbement développé leur permet aussi de développer des sociétés complexes au sein de leur écotype. Ils le font à travers le langage et les capacités sociales.

Les orques sont uniques dans le sens où elles développent des amitiés fortes et peuvent se rappeler qui leur doit un service, à l’instar des humains.Ils élèvent leurs petits et transmettent leurs traditions. Ils chassent en groupe et partagent leur nourriture. Dans leur milieu naturel, de nombreux écotypes d’orques vivent en société matriarcale et des générations d’arrière grand-mères, de grand-mères, de mères et de filles vivent ensemble toute leur vie.

De plus, les orques possèdent un système limbique hautement développé et tout comme les humains, ils ressentent le Bonheur, la tristesse, le deuil, la colère et l’amour.

Le “Processus d’adaptation” des humains, des orques, des dauphins et autres cétacés

“Ce qui est important de souligner chez ces animaux, c’est qu’ils s’adaptent bien à leur environnement” – Todd Robeck lors de la table ronde Seaworld, LaJolla, Californie

“Les orques s’adaptent bien à leur environnement” Site web de SeaWorld

“Les animaux sont en bonne santé et s’adaptent parfaitement à leur conditions de vie” article daté d’août 2013, Michael ScarpuzziVice-Président des Opérations zoologiques de SeaWorld

Les humains et les orques ont tous un instinct de survie très puissant. Ils s’adaptent à la captivité dans ce que le Dr. Rebecca Bailey, pédopsychiatre spécialisée dans la maltraitance des enfants, appelle le « processus d’adaptation ». Dans son sens le plus large, les personnes et probablement les orques s’adaptent pour survivre. Par le passé, on confondait ce processus avec le syndrome de Stockholm.

Pour ceux qui n’ont pas connaissance du sujet, on peut croire que les orques ont développé des liens sains avec leurs geôliers, ou, dans le cas des mammifères marins, leurs soigneurs. Nous pensons sincèrement que les orques, tout comme les humains sont forcées de s’adapter à leur nouvelle vie lugubre en captivité.

Points communs entre la captivité des êtres humains et celle des mammifères marins : Orques captives

Capture de Lolita

Les orques et dauphins captures dans la nature ont été arrachée à leur habitat età leur famille. Ils sont transportés par camion ou avion dans des aquariums stériles, dépourvus de toute ressemblance avec l’océan. Les orques et dauphins captifs ne peuvent plus vivre en groupes tels qu’ils sont représentés dans la nature. Les possibilités d’interaction sociale chez les orques et dauphins sauvages sont infinies. En captivité, ces interactions sont inexistantes ; ils sont obligés de vivre dans des groupes contrôlés artificiellement.

Les orques agissent contre leur volonté

Une fois en captivité, le processus d’adaptation avec les soigneurs commence. Les orques se retrouvent entièrement dépendantes des hommes pour leur survie. Ils ne mènent plus une vie naturelle équilibrée. En bref, ils ne peuvent plus agir selon leur volonté.

Les soigneurs et les vétérinaires contrôlent les repas, la reproduction, le jeu et leur fait exécuter des tours devant un public, dans le but de remplacer l’exercice physique qu’ils feraient normalement dans la nature. La chasse, la recherché de nourriture est inexistante. Les orques sont nourries selon une routine établie et sont forcées de rester des heures dans un petit bassin où elles sont incapables de se retourner et sont donc contraintes de flotter à la surface. Certains orques passent la majorité de leur journée dans des modules minuscules et sombres, incapables de nager ou de se retourner.

Drogués pour annihiler l’instinct naturel de la chasse ?

Des documents récents de SeaWorld ont révélé l’usage de benzodiazépines (tranquillisants) et d’antidépresseurs sur leurs orques et dauphins, probablement pour atténuer le stress, l’anxiété, la frustration, les comportements compulsifs et la dépression. Cette pratique commune est pratiquée par les vétérinaires dans l’industrie agroalimentaire. Peut-être que ces médicaments sont administrés pour supprimer l’instinct naturel des prédateurs pour la chasse, la nage et la socialisation. Ou peut-être les utilise-t-on pour soulager l’ennui et la frustration engendrée par la captivité.

Dans la nature, ces animaux vivent une vie équilibré, ils recherchent leur nourriture, ils nagent, socialisent et se reposent. En captivité, les soigneurs sont incapables de répondre à ces besoins.

Orques nées en captivité

Les orques et dauphins nés en captivité n’ont jamais fait l’expérience de la nature, ce qui implique, vivre en famille pendant toute une vie. Les mammifères marins nés en captivité ne pourront jamais nager des dizaines de kilomètres par jour, ni plonger dans les eaux profondes, ni choisir leur compagnon, ou vivre aux côtés de leur-grand-mère, ou encore manger du poisson vivant, leur nourriture de base. Ils sont privés de leur essence même de dauphin ou orque.

Parallèles entre captivité des humains et des orques : les survivants

Chaines trouvés dans la maison d'horreur d'Ariel Castro

Malheureusement, bon nombre de femmes et d’enfants sont retenues en captivité. Certains individus arrivent à survivre, d’autres meurent en captivité. Amanda Berry, Gina DeJesus, Michelle Knight, Elisabeth Fritzl, JayceeDugard, et Elizabeth Smart sont toutes des exemples de femmes ayant survécu à des années de captivité et d’abus, des faits pourtant bien connus du grand public.

Capturées, droguées, abusées

Ces femmes ont été capturées et forcées de vivre une vie de confinement. Leurs tortionnaires les a arrachées de leur famille, leur communauté, leur école et les ont isolées de la société. Elles ont été retenues contre leur gré pendant des années. Elles ont été violées, battues, et parfois même, leurs kidnappeurs les ont enfermées dans de petites pièces sombres. Elles ont été menacées, droguées et intimidées pour être obéissantes. Certaines ont même eu des enfants pendant leur captivité. Toutes ont retrouvé la liberté.

Des individus abusés forces de se plier au “processus d’adaptation”

Une fois capturés et confinés, les individus doivent entamer leur processus d’adaptation afin de survivre. Bien que dysfonctionnel, ce processus d’adaptation créé une relation de symbiose qui donne au survivant la capacité de survivre à la captivité, au confinement et aux abus.

Les kidnappeurs privent les victimes de leur libre arbitre

Les individus abuses sont privés de leur libre arbitre et ne peuvent ni initier, ni exécuter ou encore contrôler leurs actes. Leurs ravisseurs prennent les décisions pour eux et ils sont contraints de se plier aux exigences de leurs ravisseurs pour leurs besoins quotidiens.

Ils ne peuvent pas tisser de liens ou vivre une vie équilibrée dans un contexte de société “normale”. Le Dr. Bailey cite une de ces personnes détenues qui a déclaré : “pour survivre, il faut agir comme une proie mais penser comme un prédateur”.

Ce qui implique que ces victimes ne tissent pas de liens forts avec leurs ravisseurs comme certains peuvent le suggérer.

Enfants nés en captivité

Pour les individus ayant eu des enfants pendant leur détention, la situation est la suivante. Les enfants n’ont pas connu un contexte familiale classique, ils n’ont pas pu se faire des amis, n’ont pas connu leurs grands-parents, leurs tantes et leurs oncles. En captivité, les enfants ne vivent pas une enfance normale, ne connaissent pas le bonheur et la sécurité d’un foyer.

Similitudes entre les êtres humains détenus et les orques captives

Orque dans une piscine

J’ai directement contacté Rebecca Bailey, PhD, fondatrice d’un programme innovant appelé Transitioning Families (Familles en transition). Ce programme permet d’aider les familles victimes d’abus, d’exploitation ou d’autres crimes violents, à se réunifier. Elle a aidé Jaycee Dugardet sa famille à se libérer de ces années de manipulation vécues alors qu’elles étaient détenues par Philip Garridos.

J’ai cherché à connaître son opinion sur les orques captives et leurs relations dysfonctionnelles avec les soigneurs. Je lui ai aussi demandé si, selon elle, il existe des similitudes entre les victimes de kidnapping avec leurs ravisseurs et les orques avec leurs soigneurs ?

Voici ce qu’elle a répondu :

“Selon moi, il existe des similitudes à commencer par le fait que la captivité soit un environnement entièrement artificiel où règne un sentiment extrême de dépendance. Le dauphin ou l’orque, tout comme les êtres humains, ont été abusés, ils deviennent dépendants de leur ravisseur pour se nourrir, être en sécurité etc. Ils apprennent à s’adapter pour survivre, ce qui ne doit jamais être pris pour de l’amour. Pour un survivant, l’amour est une insulte. En captivité, la dépendance est à son paroxysme et ce n’est qu’une question de survie, rien d’autre.”

“Selon les mots des survivants, pour survivre, il faut agir comme une proie mais penser comme un prédateur. Je ne sais pas à quoi les dauphins et les orques pensent mais je sais pertinemment que le niveau de dépendance installée est si élevé, que tout libre arbitre n’existe plus, ce qui peut passer, à tort, pour une relation harmonieuse, mais c’est une relation à sens unique.”

Peut-on donc prétendre que les mammifères marins en captivité, tout comme les victimes de kidnapping, développent une dépendance aux soigneurs dans le but de se préserver ?

La plupart du temps, les orques, les dauphins et les bélugas se montrent coopératifs avec les soigneurs. Cela veut-il forcément dire qu’ils sont heureux ? Ou sont-ils juste passés par cette phase d’adaptation à la vie en captivité—à l’instar de Jaycee Dugard qui a survécu 18 ans dans un abri de jardin ?

Notre espoir : un changement dans les relations avec les soigneurs

Nous concluons que des points communs existent entre la captivité humaine et celle des mammifères marins et que des enseignements sont à tirer. Nous espérons que, dans le futur, les soigneurs repensent leurs relations avec les orques et les dauphins. Nous imaginons une forme de relation nouvelle qui préservera et valorisera la vie des mammifères marins et celle de leurs soigneurs. Une vie de partage et d’amour qui ne nécessite pas le recours à la privation, qui ne mène pas à la mort de soigneurs ou d’animaux et qui laisse une porte ouverte sur la liberté. Nous devons améliorer les conditions de vie de ces mammifères marins captifs. Quant aux soigneurs, ils doivent repenser le système dans son ensemble : les orques et les dauphins ont-ils réellement leur place en captivité ?

Article original : SeaWorld Pledge