Bienvenue sur le site officiel des Navy Dolphins

Et oui, comme vous le savez sans doute, il n’y a pas que dans les delphinariums qu’on exploite les dauphins…

Navy Dolphins - Presentation Signature

L’utilisation des dauphins par l’armée… Cela m’a toujours donné l’impression d’un programme digne de la science-fiction. La présentation qu’en fait l’armée est, elle, beaucoup plus terre-à-terre :

"Nous sommes habitués à voir des chiens de guerre, tout le monde trouve ça normal", dit en substance l’auteur de la page d’introduction du site, "mais les chiens ne peuvent pas aller sous l’eau." La solution c’est d’utiliser d’autres animaux, des mammifères marins comme les dauphins et les orques par exemple qui, eux, peuvent aller sous l’eau… Ce sont en quelque sorte des “chiens des mers”.

Il n’y a d’ailleurs, semble-t-il, absolument rien de choquant ni de répréhensible au fait que l’armée utilise des êtres intelligents dauphins dans ses combats, puisqu’elle utilise également des chiens et que, concernant les chiens, personne ou presque ne s’en est jamais plaint ! Alors, pour rassurer le lecteur qui ne serait pas totalement convaincu, la Navy précise qu’en tant que membre accrédité de l’Alliance des Parcs et Aquariums de Mammifères Marins, elle accorde un grand soin au traitement de ses animaux. Cette bannière en atteste :

image

Cette accréditation signifie que ce programme “respecte ou excède tous les standards d’excellence en matière de soins, d’élevage, de protection et d’éducation des mammifères marins.” L’armée va ainsi jusqu’à “éduquer” ses mammifères marins. Mais éduquer comment, et éduquer à quoi ? Voilà qui demande à être étudié…

Présentation du “Programme Mammifères Marins" de l’US Navy

La baie de San Diego

Ce programme militaire est situé dans la "Biosciences Division of the Space and Naval Warfare Systems Center Pacific" à San Diego, Californie. La recherche militaire sur les mammifères marins y a débuté dans les années 1950.  A l’époque,  ce sont les propriétés hydrodynamiques des dauphins qui intéressent l’armée (pour améliorer le design des torpilles, des sous-marins, des combinaisons de plongée et autres objets subaquatiques…).

Mais les chercheurs réalisèrent rapidement que le dauphin avait d’autres choses à offrir que son corps profilé, et qu’il pouvait notamment faire un excellent "assistant" pour ses plongeurs. C’est ainsi que les programmes modernes des “Marine Mammal Systems” furent peu à peu mis en place.

Quelques-uns étaient, pour le moins, surprenants :  on trouve par exemple un programme visant à entraîner les dauphins pour qu’ils se portent au secours des pilotes victimes d’un crash, pour les protéger des requins jusqu’à ce que les secours arrivent (!). Voilà qui semble combiner admirablement l’altruisme naturel du dauphin et l’utilisation militaire qu’on peut en faire.

Des Navy Dolphins furent utilisés au Viêt-Nam. Ici, une vue sur le Mekong...

Ce qui le site ne précise pas, c’est qu’à ce jour seule une partie des expériences menées avec les dauphins ont été déclassifiées.

Par exemple celles concernant l’établissement d’un langage interspécifique hommes/dauphins restent secrètes. J. Bastian (dont le site de la Navy donne quelques références en bibliographie, dans la section “1. Sound/Sonnar/Communication”) fait partie de ceux qui ont travaillé sur le sujet. Un scientifique du nom de Bateau  se serait quant à lui appuyé sur les langages sifflés des Andes dans l’optique d’établir cette communication. Y est-il parvenu ? On ne sait pas…

Dans un registre différent, et beaucoup plus violent, des rumeurs courent quant à l’utilisation, par la Navy de “dauphins tueurs” dans la baie de Cam Ran durant la guerre du Viêt-Nam (voir sur ce point les propos de Richard O’Barry).

Ce que précise en revanche le site, c’est que les militaires, en exploitant les capacités aquatiques des mammifères, eurent l’occasion d’en apprendre plus sur leur “biologie de base”. Un menu nous offre de profiter de ces leçons :

image

La biologie de base des mammifères marins

Ma première surprise devant ce tableau est de constater que les oiseaux et les requins font partie des “mammifères marins”… 😛 Néanmoins désireux d’acquérir quelques connaissances scientifiques supplémentaires sur la biologie des cétacés, je clique sur le lien “Bottlenose Dolphins”.

A la place des informations scientifiques que je m’attendais à trouver, s’ouvre une fenêtre avec cette seule image :

Navy Dolphins - Bio Bottlenose

La seule information scientifique véritable semble être ici l’indication du nom latin du  grand dauphin : Tursiops truncatus ! Le reste relève du micmac et mélange fonctions militaires et descriptions évasives de certaines caractéristiques, telles que le sonar, l’audition, l’anatomie, le métabolisme de la vitamine A, la virologie ou encore l’immunologie (?…).

Les informations sur les orques ou sur les otaries ne sont pas beaucoup plus éloquentes :

L’orque est désigné comme "Sensibilité auditive sous-marine" et "Plongée profonde et récupération d’objet". L’otarie comme “Consommation, conservation & excrétion des pesticides”, “Récupération d’objet”, “Plongée”, “Audition”, “Bradycardie conditionnée”, “Dépistage médical”.

Navy Dolphins - Bio Oiseaux

Les oiseaux (autres mammifères marins bien connus !) ont quant à eux pour fonction de “rechercher les pilotes abattus”. Cette mission n’est sans doute pas la seule puisque j’ai lu dans un article datant de l’offensive en Irak qu’ils étaient également utilisés comme détecteurs de gaz toxiques : plus sensibles que les hommes, leur mort signale le danger.

Le reste du site apporte des informations plus détaillées quant à l’utilisation des “Marine Mammal Systems” : dauphins, otaries, orques ou…. requins. Avant de s’y intéresser en détail, il faut remarquer que la généreuse famille des mammifères marins engagés dans la marine américaine est en pleine expansion ! La semaine dernière, quatre cétacés sont venus s’ajouter à la liste des animaux du Marine Mammal Program…

Que sont les "Marine Mammal Systems" ?

imageLe rédacteur de la Navy nous précise certaines des missions dévolues aux dauphins. Ils assurent notamment la défense des ports et la protection des bateaux contre les nageurs et les mines ennemies. La présentation reste, pour l’instant, très sommaire. S’ensuit une galerie de plusieurs dizaines de photos, qui donne aux dauphins la part belle…

Ceci dit, il n’y a rien de passionnant à voir. Les photos montrent des dauphins qui sautent, font des bonds, s’élancent dans les airs… ou encore font “bonjour” à l’appareil photo avec sa nageoire !

A croire que dans l’armée, on apprécie surtout les dauphins pour leur capacité à faire des acrobaties ! Ou bien ce site serait-il essentiellement destiné aux enfants qui, suite à une reportage télé ou autre, s’interrogent sur le sort des dauphins militaires ?…

imageMa photo préférée reste néanmoins celle ci-contre : ne sont-ils pas mignons, ces cinq jeunes dauphins qui “se mettent en ligne pour aller travailler” ? De bons petits soldats, et contents de contribuer à la défense des Etats-Unis. Pour un peu, on les qualifierait volontiers de “patriotes” – peut-être le site officiel des Navy Dolphins le fera-t-il par la suite ?

Bien que moins présents – la majorité des photos du site est consacrée aux dauphins – les belugas, les otaries, et les orques ne sont pas oubliés. Le bestiaire de l’US Navy est ainsi relativement bien fourni.

Ces galeries de portraits servent sans doute la stratégie de communication du Marine Mammal Project. Après tout, les dauphins sont populaires. Leur “collaboration” avec les militaires est susceptible de renvoyer une image positive de l’armée. Qui sait ?, peut-être même qu’ainsi on encourage les vocations, en particulier chez les plus jeunes (bon OK, je pousse un peu le bouchon là, mais quand même : “un dauphin” qui dit bonjour, cinq bébés dauphins qui s’alignent pour le boulot ! Ce genre de commentaires paraît destiné aux enfants !).

L’entraînement des mammifères marins de l’US Navy

L’enjeu de ce site est également de répondre aux défenseurs des dauphins et aux associations de libération animale qui condamnent l’utilisation des mammifères marins dans les programmes militaires. En certifiant l’excellence des traitement reçus par les animaux, en présentant une image positive de leurs actions (où le dauphin apparaît presque comme un “volontaire”), la Navy et s’impliquent dans la bataille des arguments contre des militants tels Richard O’Barry ou Kenneth Levasseur, de manière à parer les critiques qu’ils connaissent bien. Les méthodes d’entraînements et les soins prodigués aux animaux sont ainsi présentés comme exemplaires.

imageEn ce qui concerne le dressage des dauphins, la Navy explique très brièvement qu’elle a développé des techniques de “conditionnement opérant”, qui récompensent les bonnes réponses et ignorent les mauvaises. Ce sont les mêmes que celles utilisées dans l’industrie des delphinariums et des parcs aquatiques.

Autrement dit, les comportements sont inculqués aux dauphins grâce à la nourriture. Si un dauphin fait une chose correctement, il gagne sa pitance. Si ce n’est pas le cas… il n’est pas puni – à moins peut-être qu’en définitive la privation de nourriture ne s’assimile à une punition ?…

Le site précise que le "bien-être" de l’animal est, évidemment, pris en compte. Mais il reste à savoir ce que l’on entend par là… Pour un animal, et d’autant plus pour un animal de l’intelligence d’un dauphin ou d’une orque, être gardé en captivité constitue en lui-même une source de mal-être. Les animaux sont certes bien soignés, ils disposent d’une infirmerie, etc. Néanmoins, les dauphins captifs vivent moins longtemps que les dauphins sauvages. Dans l’armée américaine, l’espérance de vie des bottlenose est d’une dizaine d’années. Dans l’océan, les cousins de Flipper atteignent facilement les quarante ans…

imageL’armée ne donne d’ailleurs pas beaucoup de détails  sur les conditions de vie des animaux et se contente  de mettre en ligne des galeries d’instantanés. Ainsi, à défaut d’informations précises et pertinentes sur la biologie des mammifères marins ou sur leurs conditions de captivité, il faut bien reconnaître que le site du Marine Mammal Program est remarquablement fourni en photos…

Nous arrivons bientôt au cœur du site, avec la présentation détaillée des missions accomplies par les systèmes MK4, MK5, MK6, MK7 et MK8. Ainsi dit, on n’y comprend pas grand chose ! Mais c’est parce ces systèmes sont précisément les dauphins, les cétacés et les otaries.

Mais pourquoi cette dénomination, et à quoi sont-ils affectés ? (La suite plus tard, si quelqu’un souhaite la lire 🙂 !)