Les choses continuent de bouger concernant le cas de Yaku et Waira, les deux dauphins prisonniers d’une piscine d’hôtel à Lima… Un nouvel article vient d’être publié par le site El Comercio, dont vous trouverez la traduction (merci Stéphanie !) ci-dessous. Pour reprendre les articles parus sur Yaku et Waira, vous pouvez consulter l’interview d’un de leurs dresseurs et lire l’article d’hier.

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La demande de libération de Yaku et Wayra lancée par les écologistes pose une question-clef : le débat de la captivité des dauphins.

GONZALO GALARZA CERF

Ça sonne comme un cruel rappel : chaque jour, Yaku et Wayra entendent le bruit de la mer qui se jette contre les rochers de La Herradura, à Chorillos. Ils l’écoutent depuis leur petit bassin (le grand étant actuellement en maintenance) du Delphinarium de La Herradura, où ils vivent depuis trois ans maintenant, après avoir quitté l’hotel Los Delfines de San Isidro.

Cette mer qu’ils entendent à quelques mètres d’eux fut leur habitat à Cuba, avant qu’ils n’arrivent au Mexique où on les appelait alors Yoyo et Laly. Ils sont arrivés au Pérou en 1997 sous les noms de Yaku et Wayra (air et eau, en quechua), des noms paradoxaux pour deux animaux dont l’image est la plus domestique du monde marin et la plus discutable aujourd’hui : deux dauphins qui vivent dans deux bassins face à des gradins colorés et vides. Le Delphinarium de La Herradura a cessé d’accueillit le public depuis plus d’un an et aujourd’hui, les bassins sont privés et interdits d’accès au public et à la presse. Deux mascottes de luxe qui tombent dans l’oubli.

Du moins, pour pratiquement tous ceux qui demeurent sur le terrain. Hier, au bruit de la mer s’est joint un nouveau son : le cri de la liberté de la part de l’ONG Orca. Si bien que ce cas emblématique a commencé à gronder dans le monde de la captivité selon la déclaration de Meghan Mac Pherson sur Facebook : « Regardez où ont été transférés les dauphins de l’hôtel Los Delfines ». Cette alerte accompagnée d’une photo des lieux s’est alors répandue comme si une croisade se préparait. Peut-on libérer Yaku et Wayra? Quelle est l’autorité compétente chargée de veiller à l’état de santé et aux bonnes conditions de vie des deux animaux?

PROTECTION ET CAMPAGNE

Quand Yaku et Wayra sont arrivés dans notre pays en 1997, le Procureur a ouvert une enquête sur les permis d’entrée et de séjour en captivité. « Ces animaux ont été importés avec un permis spécial. En aucun cas, ils n’ont été secourus. Ils sont victimes du trafic de la captivité, ce type d’affaires à Cuba, c’est une véritable mafia, et nous connaissons très bien le sujet « , affirme le président de Orca, Carlos Yaipen

Cependant, un an avant leur arrivée, la voie légale avait tranché pour éviter tout problème : la Résolution ministérielle 588-96, PE « établit que l’espèce « Tursiops truncatus » est le seul cétacé qui peut être maintenu en captivité dans le pays. « 

Le « Tursiops truncatus » est le grand dauphin, à savoir l’espèce à laquelle appartiennent Yaku et Wayra. « Curieusement, c’est la plus commerciale. L’année où le décret est publié, en 1996, correspond à l’année où les dauphins ont été achetés », déclare Carlos Lau, président de la Fundación Ballena Azul  qui a lancé la campagne « Somos Libres, Seámoslo Siempre » (« Nous sommes Libres, Soyons-le pour Toujours) dans le but de mettre fin à la captivité des cétacés au Pérou. « La campagne ne vise pas à remédier à cette affaire, mais à la sensibilisation, afin qu’il n’y ait plus jamais d’autres cas comme celui de Yaku et Wayra, qui servent d’arme pour changer cette loi, qui a apparemment été faite pour que ce monsieur [Jacques Levy] puisse importer ces dauphins.  Leur libération ne résoudra pas le problème : il y en aura d’autres et tout recommencera, si la loi reste en l’état, il ne pourra y avoir aucun changement », souligne Lau.

Au Pérou, la captivité est autorisée « pour la recherche, les loisirs et la diffusion culturelle », selon le DS 002-96, PE, « elle nécessite l’autorisation expresse du ministère des Pêches. » Pour l’éducation et la recherche? Mensonge. Personne n’éduque qui que ce soit sur le sujet. Ils commettent un crime contre la vie, et non contre la loi, mais contre l’humanité et les valeurs, en conséquence de quoi nous demandons les modifications qui s’imposent de la loi sur les cétacés », explique Lau.

STATUT INCERTAIN

A cette époque, Yaku et Wayra devaient avoir respectivement 25 et 21 ans. Peut-être un peu moins. Un dauphin vit entre 70 et 80 ans en mer; en captivité son espérance de vie est réduite au tiers: l’enfermement les stresse et les rend vulnérables. Tous deux arriveraient donc en fin de vie. Mais personne ne sait comment ils vont, il n’y a aucun rapport médical disponible. L’hôtel préfère garder le silence. Yaipén a pu y entrer récemment et il a vu Wayra faisant des gestes de douleur, raconte-t-il. Les employés du Delphinarium disent qu’ils vont bien, qu’ils mangent 25 kilos de poisson par jour, et que leur médecin et leur entraîneur se rendent toujours sur place … L’endroit, déclare Lau, remplit les conditions fixées par les règles de droit, mais il n’est pas adapté.

Les libérer implique un coût élevé et de sortie complexe: cela nécessite des études pour voir s’ils pourraient se réadapter à l’océan. Parmi les nombreux cris de libération, surgissent également des rumeurs sur une possible vente des dauphins, animaux dont le maintien en captivité est très coûteux et dont le poids est trop inconfortable. Tout ceci est discuté et écouté alors que Yaku et Wayra continuent de nager dans les bassins d’eau traitée avec des produits chimiques, où chaque jour ils entendent le bruit de ce qui fut leur maison: la mer.

PRÉCISIONS

LE CAS DE HUAYRURÍN

Un autre dauphin qui pourrait également être libéré légalement est Huayrurín, le dauphin rose découvert dans le zoo Quistococha à Loreto. « L’ordonnance 9-2009-GRL-CR interdit la captivité du dauphin du fleuve Amazone, dauphin noir et lamantin de l’Amazone, à moins qu’ils ne proviennent d’actions de sauvetage, de confiscation ou de prise accidentelle auquel cas, ils peuvent être maintenus en captivité pour la réhabilitation, jusqu’à leur libération », explique Lau, de la Ballena Azul.

L’ENFERMEMENT

Selon les experts de Orca et la Ballena Azul, la captivité stresse les dauphins et les rend agressifs. Cela déclenche une série de maladies. Ce qui explique que Wayra a tué son bébé après la naissance.

CADRE JURIDIQUE

La Résolution ministérielle PE-588-96 établit les critères auxquels doit répondre la captivité.

QUI SE CHARGE DE LES EVALUER?

Selon le décret D.S. 002-96, PE, «le ministère des Pêches déterminera les conditions environnementales et les soins appropriés pour le maintien et le bien-être des animaux. » Malgré cela, le Ministère de la Production (Production) indique que cette fonction relève de la compétence du ServiceNational des Forêts et de la Faune (SERFOR), conformément à la loi 29673.

« Le SERFOR existe mais n’est pas encore implémenté. Mais le il existe un mandat légal qui stipule que secteur de la pêche se charge des cétacés, comme prescrit par la loi 26585 et ses règlements », explique Jean-Pierre Araujo de la SPDA. Le ministère de l’Environnement dit la même chose. Pour Orca et la Ballena Azul, cela nécessite un expert en captivité de dauphins pour évaluer Yaku et Wayra.

Article originale : El Comercio