23 Juillet 2015

«Aloa, l’un des petits dauphins nés début juillet au Parc Astérix est mort ce mercredi. La jeune femelle est décédée lors d’une dispute entre les femelles adultes, au cours de laquelle elle a reçu accidentellement un coup, provoquant son décès immédiat. «L’équipe du delphinarium, présente en continu, n’a rien pu faire», indique le parc. L’autre delphineau — Bahia, une petite femelle née le 3 juillet — se porte quant à elle très bien ».

Dans une société de dauphins normaux, – c’est à dire libres – les filles, les sœurs, les cousines, les tantes, les enfants en bas-âge se regroupent tous autour de la matriarche qui les guide. Les mâles s’éloignent en pairs ou en trios pour aller affronter d’autres mâles d’autres clans, au gré d’alliances complexes et très rarement mortelles.
Les femelles ne se battent jamais.

Petite famille de grands dauphins de l’Atlantique Nord

Petite famille de grands dauphins de l’Atlantique Nord

Mais en captivité, il n’y a plus de société qui tienne, plus de règles ni de culture. C’est la loi du plus fort, sous la domination humaine. Comme le souligne William M. Johnson, l’auteur du remarquable Rose-Tinted Menagerie :

« Il existe une souffrance inhérente au fait d’être simplement emprisonné, laquelle réduit la société hautement évoluée des dauphins à un «pecking order», cette organisation primitive des poules de basse-cour, où les individus les plus forts et les plus agressifs se battent pour la suprématie et infligent aux plus faibles d’entre eux la soumission, la maladie ou la mort.

A la tyrannie de leurs propres compagnons de bassin s’ajoute celle de leur dresseur humain, ainsi que le stress que constitue les shows exécutés de trois à cinq fois par jour devant une foule bruyante, les méthodes de dressage impliquant la privation de nourriture et les récompenses du même ordre, qui ont pour conséquence de démultiplier encore la jalousie et la compétition au sein du groupe restreint des captifs.

Des études récentes menées aux USA démontrent qu’un nombre excessif de dauphins captifs succombent à des maladies directement liées au stress, telles que les crises cardiaques et les ulcères gastriques.
On doute qu’il s’agisse d’une coïncidence : des millions d’êtres humains forcés de supporter un travail servile pénible et répétitif souffrent exactement des mêmes maux.

L’agression interindividuelle n’est cependant pas la seule cause de ces décès prématurés. Elle n’est qu’un aspect d’une désocialisation plus globale, selon les mots mêmes de spécialistes de la captivité tels que Giorgio Pilleri, une acculturation profonde qui oblige les dauphins à s’adapter au moule de la société humaine, hautement hiérarchique.

Alors qu’en mer libre, les dauphins chassent en coopération étroite, rabattant ensemble les poissons et se les partageant en toute égalité, en captivité, ils développent les défauts même de la société humaine : égoïsme aigu, compétition, sadisme ».

Bébé humain né en prison

Bébé humain né en prison

On sait que dans les prisons humaines, lorsqu’une détenue accouche d’un enfant, elle bénéficie de plus de soins et d’attentions de la part du personnel pénitentiaire. La jalousie des autres prisonnières s’exacerbe. Il en va de même dans les delphinariums. La violence y est omniprésente du fait de la promiscuité et de l’absence d’espace de fuite.

Il est par ailleurs assez difficile d’imaginer qu’un coup ait pu être porté par erreur à l’enfant. Les dauphins sont équipés de sonar qui leur permettent d’être très précis. Et si l’équipe n’a rien pu faire, c’est que l’attaque a été rapide.
De toute évidence, il s’agit plutôt d’un crime que d’un accident. Qui est la tueuse ?
Espérons que la maman de Bahia parviendra à protéger son enfant…

Rappelons aussi qu’en 2003, le petit Byos, 13 jours, avait déjà été tué de façon semblable, lors d’un combat de femelles. Ce fut aussi le cas de Boréa, qui perdit la vie à 7 jours en 2011.
Le bassin du Parc Astérix est bruyant, chloré, minuscule et surpeuplé. Il ne faut pas s’étonner que les dauphins s’y entretuent.