Suite à l’interview de Jon Kershaw par le site Planète Animaux, la Dolphin Connection tenait à réagir. Dans cet article, nous répondons point par point aux affirmations du directeur animalier du Marineland d’Antibes, en reprenant la question de Planète Animaux, la réponse de M. Kershaw, et en y ajoutant la nôtre.

Profitons-en pour signaler que demain, samedi 15 août, aura lieu une nouvelle manifestation devant le Marineland. N’hésitez pas à vous y rendre si vous en avez la possibilité !

Planète Animaux : Plus de 500 personnes ont manifesté devant Marineland ce 12 juillet 2015. Cette manifestation a-t-elle créé des perturbations pour le parc ou dérangé ses clients ?

Jon Kershaw : Ça n’avait vraiment pas l’air de déranger les clients du parc. On a eu zéro question de leur part. On avait préparé des flyers, qu’on a distribué à tous ceux qui venaient nous voir pour avoir plus d’informations. Les manifestants ont fait pas mal de bruit mais je pense qu’ils étaient moins nombreux que prévu. On s’attendait à 1000 personnes mais finalement ils n’étaient que 500. Et puis personne ne comprenait rien en fait, il y avait des orques dans des baignoires, il y avait un peu de tout.

La Dolphin Connection : Remarquons que M. Kershaw se contredit d’emblée : d’un côté, il explique qu’il a eu « zéro question » de la part de ses clients, et de l’autre qu’il a distribué des flyers « à tous ceux qui venaient

[les] voir pour avoir plus d’informations »… Voilà qui est à l’image de toute cette interview : M. Kershaw se livre à un véritable numéro d’équilibriste, suspendu entre les faits d’un côté, et sa volonté de préserver l’image du Marineland, coûte que coûte. Et cela se fait manifestement au prix de l’objectivité et de la vérité.

Rappelons donc que l’objectif de cette manifestation était simplement d’alerter les visiteurs sur les coulisses de la captivité des orques et des dauphins, et d’exprimer, en accord avec le droit français, nos convictions sur ce sujet. La manifestation a réuni au bas mot 600 personnes tout au long de la journée. Le nombre des participants est sans doute plus élevé car certains sont venus dans la matinée et repartis le midi, tandis que d’autres sont arrivés dans l’après-midi. Dans tous les cas, il s’agit d’une première historique : jamais le Marineland n’avait vu autant de manifestants se regrouper face à ses locaux pour dénoncer les affres de la captivité des cétacés.

Il est bien dommage que M. Kershaw n’y ait « rien compris », pas même l’image d’une orque dans une baignoire. La symbolique est pourtant extrêmement claire et Marion Cotillard (qui a eu l’occasion de voir de près ce à quoi ressemble la captivité des orques du Marineland, lors du tournage du film « De rouille et d’os ») l’a également utilisée avec succès. La baignoire symbolise les bassins du parc : un récipient ridiculement petit et donc foncièrement inadapté pour y maintenir une orque, un animal qui, en liberté, parcourt chaque jour des dizaines et des dizaines de kilomètres…

Visuel utilisé par l’association C’Est Assez ! lors de la manifestation du 12 juillet à Antibes

Quelqu’un de Marineland est-il allé dialoguer avec ces personnes ?

JK : Non, ça ne sert à rien. Ils nous traitent de menteurs. Mais sachez que si ce qu’ils avancent était vrai, j’aurais manifesté avec eux aujourd’hui, avec tous mes soigneurs ! Ils ne vérifient pas la véracité des informations qu’ils propagent. Déjà, il faut qu’ils arrêtent de parler de captures : il n’y a plus de captures depuis 1989. 90% des manifestants de ce matin n’étaient pas nés la dernière fois qu’un animal à été prélevé pour le parc. Aujourd’hui, 90% de nos animaux sont nés chez nous. Les autres sont des animaux des années 80. Si on avait dit ça ce matin et si on nous avait cru, je pense que la moitié des manifestants seraient rentrés chez eux. Ensuite, on nous parle d’animaux maltraités, est-ce que vous croyez vraiment qu’avec 50 experts dont une équipe de vétérinaires on maltraite nos animaux ? Là encore, les premières personnes à hurler seraient les soigneurs, parce qu’ils sont passionnés par leurs animaux, ils les bichonnent au quotidien.

DC :Les responsables de Marineland n’écoutent pas réellement nos arguments qui se basent surtout sur la dénonciation des conditions de vie de leurs « pensionnaires ». Les organisations qui luttent contre la captivité des cétacés s’appuient sur des faits avérés. Certes aucune capture récente n’est à mettre à l’actif de cette « attraction ». Mais comme le précise Robert Lacy(1) : « Les programmes d’élevage des zoos et parcs marins ne sont pas projetés dans le but de remplir les objectifs démographiques et génétiques qui assurent la pérennité de leurs populations dans le temps ». En ce qui concerne les mammifères marins et contrairement à la communication de Marineland, nous savons pertinemment que le taux de survie est trop faible pour que les populations captives puissent devenir pérennes. Les parcs font souvent appel à d’autres établissements qui, eux, ont un lien direct avec les captures qui ont encore lieu de nos jours, pour leur fournir le matériel génétique (qui pourra être utilisé lors des inséminations artificielles, par exemple).

Kirara, le dauphinKirara, le dauphinNous pouvons aussi prendre l’exemple du parc SeaWorld aux Etats-Unis qui reprend le même argumentaire dans ses documents que Marineland, mais omet de préciser qu’il a encore récemment demandé l’autorisation d’importer un dauphin nommé Kirara, descendant direct de deux dauphins capturés à Taiji(2). Ainsi même si 90% des cétacés sont nés chez eux, ce chiffre n’est pas suffisant pour affirmer qu’ils n’ont aucun lien avec les captures qui se déroulent encore de nos jours.

De plus, le fait que les captures aient eu lieu hier ou aujourd’hui ne diminue pas la souffrance que ces dauphins et ces orques ont subi ni le traumatisme grave qui a été imposé aux membres de leur pod. Un dauphin captif souffre tout autant qu’un enfant élevé dans un cachot. Les nés-captifs vivent de manière générale bien moins longtemps que les fondateurs nés en mer et donc plus résistants.

Ensuite nous ne connaissons qu’un seul vétérinaire opérant au sein de Marineland. Il s’agit du Dr Manuel Hartmann. Celui-ci a travaillé au delphinarium de Duisburg, puis à Valence, dont il a été licencié. Et s’il est exact que les soigneurs sont passionnés par leurs animaux, ils leur imposent toutefois des conditions de vie qu’ils savent inadéquates. Il faut préciser aussi qu’à Antibes, selon John Hargrove(3), les cétacés ne sont cependant pas pesés comme ils le sont à SeaWorld et qu’on leur attribuerait leur ration de nourriture au jugé.

Les manifestants ne dénoncent pas que d’éventuelles maltraitances, ils avancent surtout que les animaux ne sont pas heureux, à savoir que leurs bassins sont trop petits.

JK : Je suis désolé, mais le bonheur ne se mesure qu’au bonheuromètre, et je n’en possède pas. Le bonheur n’est qu’une opinion. Si vous partez du principe que ces animaux sont capturés, maltraités, mal nourris, drogués… alors forcément, ils sont malheureux. Mais si vous partez avec de bonnes informations, qu’ils vivent en famille chez nous, qu’ils sont bien nourris, bichonnés, adorés par leurs soigneurs toute la journée, là vous ne partez pas avec la même opinion. Et les relâchés, on vous en a parlé ? C’est là que les manifestants ne sont pas cohérents du tout, tout ça vient de ce satané Facebook sur lequel on a tendance à croire tout ce qu’on lit. Ils récitent la même chose à chaque fois : «il faut les relâcher». Or, ils viennent de nous dire avec la capture qu’il ne faut pas enlever les animaux de là où ils sont nés et de leur famille, si on les rend à la mer c’est exactement ça que nous faisons…

DC : Il n’est pas ici nécessaire de rentrer dans un débat philosophique sur la notion du bonheur pour s’interroger sur les effets induits par la captivité. Le fait même de garder un cétacé en bassin est une maltraitance en soi, peu importe la taille du bassin ou les soins affectifs et médicaux que l’on donne aux captifs. D’ailleurs nous pouvons reprendre l’assertion de Lori Marino(4) : « Si la captivité met en jeu l’art des soins vétérinaires, la protection contre les menaces extérieures, ainsi que tout le bon poisson qu’un individu peut manger. Pourquoi rares sont les cétacés à atteindre la tranche d’âge maximale observée dans la nature ? »

Les réseaux sociaux qui ont un impact réel sur la dénonciation des conditions de vie des cétacés captifs sont bien sûr critiqués par cet établissement. Mais alors qu’ils nous expliquent qu’ils sont prêts à dialoguer, il faut savoir que la censure est une pratique courante sur leur page. Le dialogue tout comme le débat y est impossible. De plus, ils interdisent à leurs « partenaires » audiovisuels de mettre en place un quelconque débat au moyen d’un retrait de leur participation financière. Pire ils les utilisent pour propager leur communication sans qu’aucun contre-argumentaire ne puisse être mis à disposition. Utilisant ainsi une faille de la loi qui oblige les partenaires audiovisuels à respecter les opinions de tous les auditeurs hormis sur les réseaux sociaux.

Les attaques subies par l'orque MorganLes attaques subies par l’orque MorganLes « familles » de cétacés captifs sont une invention de l’homme. Les cétacés sont unis et séparés au grès des besoins. Les morts sont remplacés par des inconnus. Les mâles turbulents sont déplacés et privés à jamais du contact de leurs mères, à l’inverse de ce qui se passe en mer. À SeaWorld des hybrides sont même créés. La violence qui règne au sein de ces « familles » est totalement absente au sein des sociétés équilibrées dans le milieu naturel.

Enfin nous devons préciser que les plans de réhabilitation qui sont proposés ne consistent pas à les relâcher tout bêtement dans le milieu naturel. Mais au contraire de les placer tous ensemble dans une grande baie fermée, sous surveillance humaine. Il est évident que les cétacés qui ne montrent pas les dispositions adéquates à la survie dans le milieu naturel ne seront pas relâchés. Mais comme le signale Beck(5), les seuls plans de réintroduction possibles sont ceux offrant une opportunité de contact avec des congénères sauvages et un milieu équivalent au milieu naturel. La baie fermée offre ces deux avantages sans toutefois pouvoir garantir la réintroduction effective des cétacés. Mais au moins, elle améliorera grandement leurs conditions de vie et apportera la possibilité de relâcher les cétacés s’ils présentent les dispositions nécessaires à leur réhabilitation.

Sanctuaire proposé pour l’orque Lolita aux États-Unis

Concernant la taille des bassins, qui est, il ne faut pas se leurrer, vraiment petite par rapport à l’immensité de l’océan, comment les orques et les dauphins peuvent-ils y être épanouis ?

JK : Bien évidemment, nos bassins ne seront jamais de la taille de la mer, c’est juste impossible. Mais de grands progrès ont été faits. Quand je suis arrivé, les orques étaient dans un bassin de 2000m3, à l’époque on se disait que c’était normal comme bassin. En 2000, on a voulu mettre le paquet et on leur a fait un bassin de 37000m3 (soit 37 millions de litres d’eau), c’est le plus grand bassin du monde. Bien sûr, ce n’est pas assez grand si vous le comparez à la mer, mais qu’est-ce qui serait assez grand quand vous acceptez le fait qu’un bassin a toujours une taille limitée ? Encore une fois, le vrai bonheur ne se mesure pas en mètres cubes, et le fait de faire des centaines de kilomètres par jour n’est pas un plaisir pour les animaux : c’est un besoin, ils doivent manger. Le fait de bouger éternellement est un besoin pour survivre. Ce n’est pas un plaisir.

DC : Peu importe la taille du bassin, il s’agira toujours d’une privation de liberté. C’est ce qui fait le cœur de l’actuel débat sur le projet Blue World de SeaWorld qui consiste à multiplier les dimensions des bassins par deux. Il faut aussi préciser que le fait de bouger perpétuellement constitue le cœur de ces cultures et de leur raison de vivre. Cela forme l’essence de ces sociétés. La chasse en commun est non seulement une nécessité vitale, c’est aussi un plaisir qu’on partage entre amis et parents, voir même avec l’humain lui-même (Old Tom, Imraguen, Orcelles de Birmanie). C’est le lieu des prises de décision, de l’affirmation de soi et du renforcement des relations affectives et sociales. Priver un cétacé de sa capacité de décision, très vive à l’état naturel, c’est le priver de sa nature profonde.

De plus, comme le démontre Couquiaud dans son étude de 2005(6) : « Le confinement impacte non pas seulement les besoins physiques et les besoins sociaux, mais dégrade aussi l’autonomie du fait que l’on impose aux cétacés des emplois du temps quant aux activités et aux comportements à produire ». Ces mêmes effets qui ont été étudiés dans le cadre des prisons où les personnes n’ont que peu de choix quant à leurs activités et le moment où elles peuvent y participer. Ce confinement est à rapprocher de ce qu’on appelle la coercition psychique qui entraîne énormément de frustration.

Nous ne pouvons aussi réduire leurs mouvements au simple besoin de chasser et de nombreuses études éthologiques ont démontré que leurs journées étaient remplies d’activités différentes (chasse, repos, jeux). Ces animaux ont une vie sociale complexe qu’il est impossible de reconstituer dans un bassin de quelque taille qu’il soit.

Les bassins des orques ne sont en aucun cas représentatifs du milieu naturel

Enfin, nous pouvons nous baser sur un document qui provient de leur parc, pour dire aussi que l’environnement stérile, dans lequel ils évoluent n’est pas représentatif de leur milieu naturel. Comme tous les supers prédateurs, les orques sont des créatures curieuses, qui passent beaucoup de temps à découvrir et analyser leur milieu. Or en bassin celui-ci n’évolue pas, et il a même été prouvé que le contact du public n’est pas suffisant pour les intéresser. Comme le rappelle Delphine Sarran(7) dans une thèse élaborée au sein de Marineland :« Les bassins des mammifères marins sont souvent très peu stimulants en eux-mêmes, on les qualifie souvent de ‘stériles’ : des murs lisses, un fond lisse et un système d’arrivée d’eau et de drainage. Ces bassins sont dépourvus de tout objet : problème de nettoyage, risque pour les animaux de les avaler ou de s’y blesser… Et il arrive que les animaux développent des comportements anormaux. Chez les dauphins, par exemple (Sweeney, 1990) une activité sexuelle débordante est souvent due à un manque de stimulation externe. Autres témoins d’un manque de stimulation externe : le jeu (exagéré) avec tout ce qu’ils trouvent dans le bassin (feuilles, algues…), des attitudes sexuelles envers les soigneurs ou les animaux d’espèce différente, et une fréquence élevée de tics. »

Comment se passe le « dressage » ?

JK : Il n’est absolument pas question de faire travailler les animaux avec des carottes. Je vais être très honnête avec vous, c’est le genre de bêtises qui ont été faites dans les années 60-70, quand les gens essayaient de trouver une motivation pour faire obéir les animaux. Ils ont arrêté leur choix sur la nourriture, mais pour vous dire très honnêtement c’est un système qui a été abandonné très vite parce que la motivation va avec la faim, et la faim va en descente tout au long de la journée. Le matin la faim marche très bien, à midi ça marche beaucoup moins bien et à 15h ça ne marche plus du tout. Aux Etats-Unis, nous avons rencontré des psychologues, qui nous ont expliqué que la vraie motivation de chaque être sur cette planète c’est de réussir, de comprendre quelque chose et d’être félicité. Et c’est ce système là qui est adopté depuis les années 80, et c’est avec ce système que nous arrivons à faire des spectacles avec nos animaux qui sont demandeurs de réussite.

DC : Les arguments utilisés ici par les intervenants du parc prouvent qu’ils n’ont qu’une connaissance incomplète des problèmes soulevés par la captivité des cétacés… Et alors qu’auparavant ils estimaient que le bonheur n’était pas une notion à prendre en compte voilà que tout d’un coup ils viennent d’en inventer un : la soif de réussir.

D’un autre coté et toujours en se basant sur le document qu’ils ont aidé à produire, Delphine Sarran(7) explique que le but principal des exercices réalisés est essentiellement en vue d’éviter l’ennui. Que les animaux peuvent être punis, notamment si un spectacle s’est mal déroulé, par la privation des jouets destinés à « enrichir » leur milieu défini comme stérile.

Ainsi tous les documents professionnels(8), corroborés par John Hargrove, en notre possession montrent que la faim reste le pivot majeur du « renforcement positif» imposé aux cétacés captifs. Le dressage des cétacés reste plus que jamais fondé sur la pensée Comportementaliste (Behaviorisme) qui réduit l’être pensant à une machine. L’apprentissage skinnerien reposant sur deux éléments, le renforcement et la punition. Un renforcement ou une punition peut être soit :

  • Positif : par l’ajout d’un stimulus agissant sur l’organisme.
  • Négatif : par le retrait d’un stimulus agissant sur l’organisme.

Le coup de siffletLe coup de siffletLe renforcement positif primaire chez le cétacé captif est la nourriture (« primary reinforcer »). Si l’ordre donné par le dresseur n’est pas exécuté, le cétacé ne reçoit pas son bout de poisson. Toujours selon le témoignage de John Hargrove lorsqu’un VIP annonce sa présence au delphinarium, les orques sont affamées un jour ou deux avant l’évènement. Quand un dauphin déprimé ne mange plus, il ne veut plus participer aux shows. On lui donne donc des médicaments stimulant l’appétit, dont le Valium à Duisburg ou le Déanxit à Antibes. La mise en confiance, les caresses, les jouets, la complicité amicale, le «coup de sifflet qui dit que c’est bien» (« Bridge »), sont des « secondary reinforcers », très importants eux aussi, comme l’explique en détails John Hargrove(3). Mais ils ne fonctionneraient jamais s’il n’y avait pas à la base cette faim lancinante qui finit par donner des ulcères aux captifs. L’orque doit savoir que la nourriture ne peut venir que d’une main humaine et qu’elle doit se soumettre à la volonté de son dresseur pour en obtenir.

Est-ce que Marineland collabore avec des équipes scientifiques ?

JK : Bien sûr. Il y a de la recherche en mer, mais elle se limite à compter les nageoires dorsales et à faire des observations. Si vous voulez des informations sur l’animal lui-même, si vous voulez procéder à des prélèvements de lait, d’urine, de matière fécale, si vous voulez faire des expériences sur l’intelligence de ces animaux, sur le système de sonar, il n’y a qu’avec les animaux de chez nous que vous le pouvez, parce que cela demande une coopération de la part de l’animal. Deux études sont en cours chez nous actuellement : le CNRS fait des tests de goût, pour savoir s’ils sont capables de distinguer des choses rien qu’avec le goût, et l’Université de Madrid étudie le mimétisme, pour voir jusqu’où ces animaux sont capables de le pousser. Pour cela, ils ont absolument besoin de nos soigneurs, qui apprennent un mouvement à un animal avant de demander à un second animal de le reproduire. Allez faire ça au large de Vancouver, c’est juste impossible. Tout ce que nous savons sur ces animaux, nous le savons grâce à la science et la science le sait grâce à nous.

DC : Les delphinariums continuent à prétendre qu’ils jouent un rôle important dans la recherche sur les cétacés. Ceci est lié aux conditions posées par la loi pour obtenir l’autorisation d’ouverture d’un delphinarium. Elles sont de deux natures : la recherche scientifique d’une part, et un programme éducatif à destination du public d’autre part.
Ce n’est donc pas par passion pour la découverte scientifique que ces parcs mènent des recherches, mais bien pour répondre à un impératif légal, sans lequel ils n’auraient pas le droit de monter des spectacles d’orques et de dauphins.

Mais quelle est la valeur des recherches menées auprès de dauphins captifs dans un environnement « stérile » qui ne correspond en rien à leur milieu naturel ? A l’origine de la recherche sur les delphinidés, à partir des années 1960 et jusqu’au tout début des années 90, l’immense majorité des connaissances provenait en effet des parcs aquatiques, ce qui a permis d’en savoir plus sur la biologie de ces mammifères marins. Mais aujourd’hui, aucune découverte scientifique révolutionnaire ne saurait provenir « des prélèvements de lait, d’urine, de matière fécale ». Alors quelle est la valeur des études scientifiques actuellement menées dans les delphinariums ?

Lorsqu’on y regarde de plus près et que l’on se penche sur les études effectivement publiées par ces établissements, on se rend compte qu’il s’agit principalement de recherches portant sur le taux de mortalité, les techniques de dressage, les maladies dues à la captivité ou les adjuvants médicamenteux indispensables à la survie des individus maintenus de longues années loin de l’eau de mer et du soleil. L’un des pôles actuels est la recherche sur le maintien en vie des delphineaux nés captifs.

Un exemple des différentes maladies touchant les orques captives / Dr Ingrid VisserUn exemple des différentes maladies touchant les orques captives / Dr Ingrid VisserDu fait de cet environnement totalement artificiel, même les autopsies ne sont pas pertinentes, les cadavres de dauphins captifs étant littéralement imbibés de substances chimiques (antibiotiques, suppléments alimentaires, Valium, antidépresseurs, etc.) qu’on ne trouve pas dans la nature. Quant aux grandes maladies virales infectieuses qui ravagent certaines populations de dauphins libres, les delphinariums sont toujours incapables de trouver les moyens de les prévenir. Mais l’herpès, le cancer de la prostate, les cancers de la peau, les pneumonies fulgurantes, les obstructions intestinales, les fausses couches et les ulcères à l’estomac, si communs en bassin, fournissent-ils peut-être un vaste champ d’étude?

Des informations de base peuvent sans doute être obtenues sur la reproduction ou la maturité sexuelle mais il est dangereux d’appliquer ces découvertes au cas des dauphins libres, dont les conditions de vie sont tout à fait différentes. Le mode d’alimentation atypique des dauphins captifs affecte sans doute leur courbe de croissance et leur taille adulte.

M. Kershaw estime que « si vous voulez faire des expériences sur l’intelligence de ces animaux, sur le système de sonar, il n’y a qu’avec les animaux de chez nous que vous le pouvez ». Mais les études comportementales menées en bassin sont elles-mêmes de peu de valeur.

Les delphinidés captifs exhibent des comportements routiniers, névrotiques, qui sont la conséquence directe de l’environnement artificiel et totalement contrôlé par l’être humain auquel ils sont soumis. Les dynamiques sociales très complexes qui sont les leurs dans l’océan ne peuvent s’y exprimer de manière normale. Les comportements des dauphins captifs n’ont donc que peu de rapports avec le comportement réel des dauphins libres, et l’éthologie des bassins n’a donc qu’une pertinence très limitée.

Ainsi que le résumait l’illustre Commandant Cousteau : « Il y a autant de bénéfices pédagogiques à acquérir en étudiant des dauphins en captivité qu’il y en aurait à étudier le genre humain en n’observant que des prisonniers isolés. »

Par ailleurs, des études sur le mimétisme ou le sens du goût n’ont aucun impact sur la conservation des populations libres. M. Kershaw réduit les recherches in situ à « un décomptage des ailerons et quelques observations ». Ce sont pourtant les seules susceptibles de nous en apprendre davantage sur la vie sociale et les véritables capacités cognitives des cétacés libres. Il est impossible de comprendre les sociétés de dauphins en bassin. La mise à mort d’un delphineau par des femelles furieuses ne peut advenir qu’en captivité, de même que les agressions d’orques sur des humains.

Lori Marino, qui a étudié les processus mentaux chez les dauphins captifs, a mis en place des protocoles pour étudier la cognition avec des individus libres

Cette affirmation néglige également le travail de nombreux biologistes marins qui, à travers la planète, s’attachent à étudier uniquement le comportement des dauphins libres, par souci éthique dans certains cas mais aussi, et surtout, par respect d’une démarche scientifique fiable et authentique. Ces scientifiques, telles Ingrid Visser en Nouvelle-Zélande ou Denise Herzing aux Bahamas, savent pertinemment qu’il n’y a qu’en observant les cétacés dans leur milieu naturel que nous pourrons mieux comprendre, par exemple, leur comportement ou leur langage. Ainsi il nous faut aussi mettre en exergue les nouveaux paradigmes de recherche notamment cités par Marino et Frohoff(9). Il s’agit d’une méthode de recherche qui est appelée, recherche collaborative entre espèce. Cette approche a pour but de prendre en compte les conditions naturelles d’existence dans le but d’optimiser la manière dont sont mises en place les recherches afin qu’elles puissent aussi bénéficier aux cétacés plutôt que de leur imposer ces recherches dans un environnement inadapté et aux seuls bénéfices des chercheurs. De plus, cette approche offre des opportunités nouvelles d’étude de la cognition et de la psychologie des mysticètes, ce qui est sans précédent. Quand cette approche est conduite de manière responsable, elle permet une collaboration entre les espèces car les réactions des chercheurs sont tout autant observables par les cétacés, que ne sont observées les réactions des cétacés par les chercheurs. Cette méthode apporte aussi de nombreuses données comportementales, culturelles et sur les conditions de vie des cétacés. Mais elle constitue une nouvelle manière d’étudier la cognition, la communication, les émotions et la sociabilité des cétacés sans les contraintes et les problèmes éthiques liés à la captivité.

Nous posons donc la question : quelle est la réelle contribution scientifique du Marineland d’Antibes ? Quelles études prestigieuses, quelles découvertes importantes pour la survie de l’espèce peut-il mettre en avant ? En 50 ans, SeaWorld a produit 50 articles, dont la plupart traitaient de dolphin husbandry ou n’étaient que des copiés-collés tronqués d’autres études sur le terrain. Le Marineland a-t-il fait mieux ? Certes, son orque Shouka a collaboré à une intéressante étude prouvant que les orques isolées pendant dix ans tentent de communiquer avec les dauphins qui lui tiennent lieu de compagnie…

Différence entre un aileron tombant et un aileron plié / Ingrid Visser

Enfin, notons que le rapport ambigu qu’entretiennent les delphinariums à la recherche scientifique ne s’arrête pas là. Ainsi, pour expliquer le syndrome des « ailerons tombants » qui touchent la majorité des orques captives, SeaWorld n’a pas hésité à instrumentaliser une étude réalisée par le Dr Visser. Le parc a ainsi expliqué qu’on trouve de nombreux ailerons tombants dans la nature, notamment chez les orques néo-zélandaises, mais ceci sans expliquer que ces ailerons « tombants » sont en fait abimés, pliés à cause de collisions ou à cause des filets qui traînent aux abords de la Nouvelle-Zélande. Le Dr Visser(10) a d’ailleurs officiellement dénoncé cette utilisation abusive de ses travaux…

Un exemple des problèmes dentaires rencontrés par les orques captivesUn exemple des problèmes engendrés par la captivitéIl en va de même pour les problèmes dentaires que rencontrent leurs cétacés captifs. Une étude ayant montré qu’une population d’orques du Groenland voyait ses dents abimés par un mode particulier d’alimentation, SeaWorld n’a pas hésité à l’utiliser pour expliquer les problèmes de dents de ses pensionnaires. Ceci alors que les scientifiques de l’étude(11) en question précisaient bien que ce problème ne se rencontrait pas chez les autres orques…

Tout cela nous mène à une observation : sur le plan scientifique, la communication de ces entreprises est truffée d’imprécisions, de contre-vérités et de détournements des recherches authentiques. Cette communication mensongère n’a qu’un seul et unique but : brouiller les pistes pour tromper le public, afin de protéger les intérêts économiques énormes de ces parcs.

Autrement, comment expliquer une déclaration aussi grandiloquente que celle-ci : « Tout ce que nous savons sur ces animaux, nous le savons grâce à la science et la science le sait grâce à nous. » On pourrait presque sourire devant autant de pédanterie si l’on ne savait pas ce qu’impliquent la captivité et les spectacles incessants pour les orques et dauphins qui y sont soumis…

Vous-même, qui voyez ces animaux au quotidien, que pensez-vous de leur intelligence ?

JK : Ce sont des animaux très intelligents, mais quand même à des années lumières de l’homme. Par exemple, des orques n’auront jamais une conversation comme nous avons une actuellement. Les besoins de cet animal restent relativement primitifs. Ils ont une structure sociale, ce qui dénote un début d’intelligence, mais il ne faut pas les prendre pour nos cousins. Ils sont vraiment très loin de notre niveau d’intelligence. L’intelligence se développe selon l’environnement dans lequel vous vivez. Ces animaux sont difficilement comparables avec l’homme parce qu’ils se développent dans un élément qui n’est pas le nôtre. Ils développent un autre niveau d’intelligence, par exemple au niveau de la communication, ils sont très actifs, ils cherchent des informations, ils observent, ils sont très « aware » de leur environnement. Nous, on arrive à faire passer des informations avec notre langage, et, soyons clairs, c’est quelque chose que ces animaux n’ont pas. Ils ont des sons qui veulent dire certaines choses, ils ont un système de sonar, ils ont des bruits signatures (un petit sifflement qui veut dire « c’est moi », que l’animal conserve toute sa vie et émet quand il arrive dans un groupe). Les bruits émis par ces animaux sont très loin d’être un langage avec une syntaxe et des mots individuels. Il y a en revanche des appels, des chants, des bruits qui veulent dire certaines choses comme « je suis en colère », « je joue », « je ronronne ».

DC : Encore une fois, M. Kershaw est sur le fil. Il affirme à la fois que les orques « n’auront jamais une discussion comme nous en avons une maintenant« , qu’elles n’arrivent pas à « faire passer des informations » par le biais des sons qui composent un langage… Mais aussi qu’elles ont « des sons qui veulent dire certaines choses« , « des bruits signatures (un petit sifflement qui veut dire -c’est moi-, que l’animal conserve toute sa vie et émet quand il arrive dans un groupe)« , et « des appels, des chants, des bruits qui veulent dire certaines choses comme -je suis en colère-, -je joue-, -je ronronne- . »

On aborde ici à un sujet qui touche à la fois à la science et la philosophie. Qu’est-ce qu’un langage ? Qu’est-ce qu’un langage articulé ? Et à partir de quel moment peut-on considérer que la corrélation entre l’émission de sons et la modification des comportements justifie de penser qu’il existe, chez les êtres que l’on observe, un langage articulé ?

Dans l’absolu, pour éviter tout conflit d’intérêts, peut-être serait-il plus sage de laisser la parole à des scientifiques qui étudient ces animaux et leurs langages plutôt qu’à un directeur de parc animalier qui les exploite pour son profit et celui de ses actionnaires… Kenneth Levasseur, par exemple, pense que les parcs aquatiques font tout pour sous-estimer l’intelligence de leurs pensionnaires. Il n’est, dans tous les cas, certainement pas dans l’intérêt du parc d’affirmer que les animaux qu’il détient possèdent une conscience, une sensibilité et un niveau de langage comparables au nôtre.

Néanmoins, plusieurs faisceaux semblent indiquer que c’est bien le cas, à la fois pour les orques et pour les dauphins.

En premier lieu, il y a un critère objectif : le quotient d’encéphalisation. Celui-ci mesure la taille du cerveau d’un animal en la comparant avec celle de son corps. Un haut quotient encéphalique signifie que le cerveau d’un animal est proportionnellement plus grand que la taille de son corps ne le laisserait prévoir. Les êtres humains possèdent le quotient d’encéphalisation le plus élevé de toutes les espèces. Certains scientifiques estiment que le critère d’encéphalisation peut être utilisé pour mesurer l’intelligence d’un animal. Si l’on compare le niveau d’encéphalisation des orques par rapport à celui d’autres animaux, en particulier les humains et les grands singes, les humains se placent toujours au niveau le plus élevé. Juste derrière lui arrivent les orques, les dauphins et plusieurs autres espèces de cétacés, puis les grands singes, les éléphants, etc. Les orques ne sont donc pas « à des années lumière de l’homme » à ce niveau, mais juste derrière.

Cerveau humain / Cerveau de dauphin

Et encore, pour certains scientifiques, le quotient d’encéphalisation pourrait être affecté par la gravité à laquelle sont soumises les espèces. Dans le milieu marin le poids à supporter est moindre que sur terre, et ce facteur est susceptible de jouer dans la manière dont on classe, selon ce quotient, les différentes espèces étudiées.

Deuxième chose à étudier : la structure des encéphales. Selon la neurobiologiste Dr Lori Marino, certaines parties du système limbique se sont modifiées chez les dauphins et les baleines et se sont réduites. Mais d’autres zones adjacentes sont au contraire devenues beaucoup plus grandes et plus élaborées que dans le cerveau humain. Cette aire du cerveau est appelée la “région paralimbique”.

Les cétacés disposent donc d’une sorte de lobe supplémentaire à côté de leur système limbique et de leur néocortex. Bien sûr, vous pouvez tirer des déductions de ce fait. Ce lobe paralimbique a quelque chose à voir avec le traitement des émotions mais il est également lié au traitement de la pensée. Il est très fortement développé chez la plupart des cétacés, mais beaucoup moins chez les humains et pas du tout chez d’autres mammifères. Cela suggère qu’il y a quelque chose qui a évolué ou qui s’est adapté dans ce cerveau au fil du temps, alors que cela ne s’est pas produit pour les autres mammifères, y compris les humains. L’intelligence des humains n’est donc pas similaire à celle des cétacés.

La troisième chose à prendre en compte, c’est l’observation des delphinidés dans la nature. Si on observe leur comportement en milieu naturel, l’intelligence des cétacés devient une évidence. Lors d’études antérieures, on a pu faire la preuve de leurs capacités à comprendre le langage symbolique, à posséder une mémoire ou à résoudre des problèmes. Diana Reiss et Lori Marino ont démontré que les grands dauphins se reconnaissent dans un miroir ce qui, selon les scientifiques constituent un argument de poids en faveur de l’existence d’une authentique conscience de soi (que le sifflement signature évoqué par M. Kershaw ne fait que confirmer). Les orques et les dauphins possèdent toutes ces capacités, qui sont assez rares dans le règne animal. Les cétacés disposent de cultures, ils font usage d’outils et leurs réseaux sociaux sont extrêmement sophistiqués. Toutes ces données tendent à prouver qu’il s’agit là d’un animal supérieurement intelligent.

Certaines anecdotes vont clairement dans ce sens. Citons par exemple celle rapportée par Robert Sténuit(12). Elle se déroule en Norvège, en début des années 1950. Un beau matin, la flotte baleinière reçut l’appel radio d’une flottille de grande pêche : un groupe de plusieurs milliers d’orques décimait le poisson en empêchant les marins de travailler normalement. Les baleiniers envoyèrent trois unités équipées de harpons. Sur place, un coup fut tiré, qui blessa ou tua un épaulard. En une demi-heure, explique Sténuit, les orques avaient totalement disparu autour des canonnières mais restaient toujours aussi actifs autour des simples bateaux de pêche. Or, la seule différence entre les deux types de bateaux (qui étaient tous des corvettes de la Seconde Guerre mondiale reconverties) résidait dans la présence du harpon en proue des canonnières. La conclusion tirée fut simple : un ou des orques avaient donné l’alerte, signalé la différence entre les deux types de bateaux, et ce message s’était propagé en peu de temps à tout le reste du groupe. Les cétologues de l’Institut Baleinier d’Oslo en tirèrent les conclusions suivantes : les orques possèdent une intelligence suffisante pour faire un rapport de cause à effet entre le canon et la blessure subie par l’un d’eux ; ils possèdent une capacité de différenciation des deux types de navires assez précise pour être effective ; et enfin, ils possèdent, outre des moyens de communiquer des informations et des descriptions très précises, la possibilité de donner au reste du groupe des recommandations, assurant ainsi la dispersion du groupe et sa mise à l’écart du danger.

Enfin, il y a toutes les expériences qui ont été menées en bassin. Prenons par exemple celui du Dr Bastian qui, dans les années 1960, a montré de façon certaine que deux dauphins séparés par un rideau opaque et amenés à coopérer pouvaient se transmettre des indications abstraites telles que « haut« , « bas« , « gauche« , « droite« , « continu« , « discontinu« , en émettant des sons.

L’expérience fut reconduite de manière plus fine à deux reprises :

  • Au Delphinarium de Hardewijk avec Doris et Dash(13)

L’ingénieur Van de Ree, de l’université technique de Delft, a répété les expériences de Bastian, avec un équipement plus perfectionné et des méthodes d’analyse plus raffinées: en outre, il a amélioré les processus de dressage. L’animal qui ne pouvait pas voir le signal lumineux a été aveuglé complètement par un masque, pour exclure en toute certitude sa capacité de voir le signal.

D’autre part, l’autre animal, qui devait transmettre l’ordre qu’il avait reçu visuellement, n’était autorisé à presser le bouton qu’à la condition que son partenaire aveuglé ait lui-même réagi correctement.

Au cours de la dernière série d’expériences selon ce schéma, sur 250 tentatives, 99% donnèrent un résultat positif !

Comme ultime perfectionnement de cette technique expérimentale, les sons émis par le dauphin qui « commandait  » les actes de son partenaire étaient captés au moyen d’un hydrophone très sensible attaché à son museau par une ventouse adhésive: de la sorte, l’émission même du signal acoustique était enregistrée avant d’avoir subi éventuellement une distorsion dans l’eau : simultanément, les actes des dauphins étaient enregistrés visuellement sur un enregistreur vidéo.

A notre surprise, il apparut que les ordres « appuyez sur le bouton droit  » et « appuyez sur la bouton gauche  » n’étaient pas différents, statistiquement parlant. Seule, la position du dauphin qui donnait ces ordres différait dans les deux cas. Cette position différente entraîne, semble-t-il, une différence dans la qualité du son émis, en sorte que l’animal qui écoute peut y trouver une information.

  • En Russie  » avec deux delphines adultes, Jenny et Kora, qui avait été préalablement capturées à Napa (Crimée) puis conduites jusqu’à l’Océarium de Karadag.

L’étude(14), menée par ALexander V.Zanin, Vladimir I.Markov et Irina E. Sidora visait à refaire l’expérience américaine dans des conditions scientifiquement plus strictes mais similaires au niveau du protocole d’ensemble.

L’étude a conduit à des conclusions nettement plus complètes et troublantes que celles du test de Bastian.

« Nos résultats, affirment en effet les auteurs, démontrent clairement que les dauphins peuvent se transmettre de manière exclusivement acoustique des informations abstraites du type : taille (grand/petit) ou localisation (gauche/droite) et agir de cette manière sur le comportement l’un de l’autre. »

Capacité du dauphin Tursiops à communiquer des informations abstraitesCapacité du dauphin Tursiops à communiquer des informations abstraitesUne seconde étude a été menée par le même Vladimir I. Markov et son associée Vera M. Ostrovskaya et publiée dans le même ouvrage sous le titre « Organisation du système de communication chez le dauphin Tursiops Montague« (1990). Dans ce cas, c’est le langage « naturel » des dauphins qui a été analysé et tout particulièrement la structure syntaxique de leurs messages sonores et les éléments de leur vocabulaire. 20 dauphins adultes ont été capturés pour l’occasion parmi lesquels 7 mâles, 13 femelles et trois nouveau-nés. Enregistrés dans des enclos marins, ces individus communiquaient entre eux directement ou via un canal électro-acoustique, lorsqu’ils étaient isolés. Le total des sons enregistrés sur bande magnétiques s’élevait à plus de 300 000.

Partant de l’observation courante que les dauphins semblent se concerter et communiquer entre eux lorsqu’ils mènent leurs chasses collectives, V. Markov s’est appliqué à comprendre les structures de cette communication. Il a découvert au terme de son étude que les dauphins s’échangent en effet des informations par le moyen d’un large ensemble de signaux acoustiques organisés en structures complexes et comparables aux structures du parler humain.

Enfin, évoquons le Projet Delphis (qui a duré jusqu’en 2003). Dès le mois de juillet 1990, une première série d’expériences menées sous la direction du Dr Ken Marten ont permis de mettre en lumière divers aspects du monde cognitif des dauphins :

  • Comment réagissent-ils devant l’image télévisée ?

Leurs réactions devant un écran vidéo submergé montrant l’image de leur propre bassin filmé de l’extérieur a été éclairante : les dauphins ont commencé à regarder leur entraîneur s’avancer sur l’écran avec un seau de poisson. Ils se sont rapprochés de l’image, ont tenté de se saisir des petits poissons illusoires en pixels puis aussitôt, ils ont fait volte-face et ont filé vers la surface, à la rencontre du véritable dresseur et de ses vrais poissons !

  • L’art des bulles

art des bullesLe Projet Delphis a également mis en lumière une forme d’art inconnue jusqu’alors en milieu libre : la fameuse sculpture de bulles, sorte d’art qui tient tout à la fois de la danse et de la manipulation de vastes masses d’eau, invisibles pour nous. En bassin, les dauphins captifs pratiquent cette discipline avec une extrême dextérité et l’enseignent à leurs enfants. Ce comportement n’avait jamais été relevé jusqu’alors.

  • Langage naturel et langage appris

Le Projet Delphis s’est bien entendu intéressé à la communication des cétacés. Il a ainsi mené des recherches intensives sur les dialogues échangés entre une delphine et son delphineau (test de Bastien) avec des résultats toujours à l’analyse.

Les recherches sur la communication à sens unique (homme vers dauphin) menées au Kewalo Basin par Louis Herman peuvent encore être citées mais rien de très fulgurant n’a été découvert entre les années 80 et la fin du laboratoire suite à la mort de tous ses dauphins en 2004.

On pourrait continuer longtemps à évoquer ce genre d’expériences et d’observations. Elles vont toutes dans le même sens. Si bien que pour de nombreux scientifiques, la question n’est plus « les dauphins possèdent-ils un langage ? », mais bien : « arriverons-nous un jour à le décrypter ? ». A ce sujet, nous invitons nos lecteurs intéressés par la question à visionner l’intervention de Denise Herzing(15) – qui étudie la question depuis plus de 25 ans auprès des dauphins tachetés des Bahamas

On peut ainsi dire que depuis les années 70, les études en milieu naturel ont pris peu à peu le pas sur celles menées en bassin, exactement comme ce fut le cas avec d’autres espèces (chimpanzés de Jane Goodall, etc.), ouvrant un nouveau champ de recherches jusqu’ici inexploré : les structures sociales, les cultures, les dialectes, les alliances, les modes de chasse, les déplacements, etc. Les delphinariums ne sont absolument plus nécessaires au plan scientifique, ce que la pauvreté patente de leurs recherches révèle.

Pour revenir à la manifestation d’aujourd’hui, des manifestants affirment qu’il y aurait eu dans les rangs de « faux manifestants » envoyés par Marineland pour « essayer d’inciter les vrais manifestants à aller perturber un spectacle« , que répondez-vous à cela ?

JK : C’est absolument faux, tout notre personnel était à l’intérieur du parc. Je peux vous dire, avec la main sur le cœur, qu’on n’a pas participé du tout à ce rassemblement. Nous avons longuement parlé avec les services de police en amont, qui nous ont très clairement dit qu’on devait rester à l’intérieur de notre propriété, ne jamais aller à la rencontre de ces personnes là, et surtout pas se mêler à eux. Par contre, c’est vrai qu’ils étaient un peu bruyants ce soir. En fin de manifestation il y a eu quelques insultes, ça a commencé bon enfant, mais ça n’a pas très bien fini. Je ne sais pas qui a incité à faire ça, mais bien évidemment qu’ils ne venaient pas de chez nous.

DC : Il est, à notre avis, nécessaire de rappeler que lors d’une manifestation précédente, un contre évènement constitué de pom-pom girls avait été mis en place afin de détourner l’attention du public. Il faut aussi ajouter qu’une personne qui essayait de provoquer des troubles a été interpellée par le service d’ordre de la manifestation. Et que la confusion régnait lors de son discours quant à la raison de sa présence. De plus, lorsqu’il lui a été demandé s’il était un employé du parc, celui-ci s’est éclipsé aussitôt. Nous savons que Marineland utilise les mêmes tactiques que SeaWorld. Or, il a été prouvé que des employés de SeaWorld ont infiltré l’association PETA dans le cadre des manifestations que celle-ci organise(16). Il y a donc de bonnes raisons de croire que Marineland puisse s’inspirer aussi de ces méthodes.

L’un des arguments avancé par vos opposants pour dire que les cétacés ne sont pas bien en captivité, c’est le fait que leur espérance de vie est beaucoup moins importante en captivité que dans la nature…

JK : Si un dauphin ne vivait que 7 ans chez nous, on n’arriverait jamais à renouveler suffisamment leur population pour être autonomes. Ils n’arriveraient jamais à maturité sexuelle et on n’aurait jamais de bébés ! Par ailleurs, des études faites dans la nature ont établi que l’orque peut vivre jusqu’à 103 ans, mais je vous rappelle qu’un être humain peut vivre jusqu’à 122 ans, alors que la moyenne est de 76 ans. C’est donc complètement ridicule de dire que leur espérance de vie est de 103 ans, et ce n’est pas vrai. L’orque qui a vécu jusqu’à 103 ans est citée dans de nombreuses études, mais ils n’ont commencé à suivre cet animal qu’en 1976, c’est la première fois que le chercheur qui l’a étudiée l’a vue. C’est lui qui a déclaré qu’alors cet animal avait 68 ans, mais je n’ai pas la moindre idée d’où il a sorti ce chiffre… Car contrairement à la captivité, personne n’a vu naître cet individu. Comment alors être sûr de son âge véritable ? Des études sérieuses ont été faites dans le milieu sauvage, l’âge moyen publié le plus récemment est de 17 ans pour les mâles, et jusqu’à 30 ans pour les femelles. Je suis plus en accord avec ces dernières données. C’est un grand débat mais je peux vous dire qu’ils vivent leur vie pleinement, et jusqu’à un bel âge, chez nous.

DC : Sur le site web de Marineland, les intervenants n’hésitent pas à mélanger les différentes notions statistiques, à l’instar de cette intervention. Mais l’âge moyen évoqué dans cet entretien, ne correspond ni à l’espérance de vie moyenne et encore moins à la longévité maximale. Si l’âge moyen observé dans la nature est inférieur à celui observé en bassin, c’est surtout dû au fait que les jeunes individus, au sein du milieu naturel, ne meurent pas aussi rapidement que dans leurs bassins. Un âge moyen faible est souvent considéré comme étant la preuve d’une bonne constitution des populations sauvages et d’une natalité suffisante à leur pérennisation dans le temps. C’est l’indicateur essentiel de la bonne santé de ces populations. A contrario nous savons que les dauphins blancs de chine possèdent un âge moyen élevé, car ils n’arrivent pas à se reproduire facilement, et que la natalité et la survie des jeunes est difficile du fait de la pollution régnant dans les eaux où cette population vit. C’est exactement la même chose qui se produit dans les parcs et c’est aussi la preuve que ces populations captives ne peuvent survivre. Cela remet aussi en cause l’argumentaire consistant à faire prévaloir le rôle de conservation de ces parcs. D’autant que comme nous l’avons précisé plus haut les populations concernées ne sont pas celles qui mériteraient un effort de renforcement des populations sauvages.

De plus, nous pouvons affirmer qu’aucune des orques né en captivité n’a jamais atteint l’espérance de vie moyenne répertoriée dans une étude récente d’Opédius et qui est de 46 ans pour les orques femelles et de 30 ans pour les mâles et nous ne parlons ici que de l’espérance de vie moyenne dans le milieu naturel et non de la longévité maximale.

L’orque Granny a un âge estimé de 103 ans…

L’âge de l’orque Granny a pu notamment être déterminé par celui de ses enfants, petits-enfants et arrière-petits-enfants. Alors que la moyenne d’âge – et non l’espérance de vie – des orques est de 40 à 80 ans et plus selon le spécialiste des orques Christophe Guinet… aucune orque du Marineland d’Antibes n’a jamais dépassé la trentaine depuis l‘ouverture du parc. La première est morte à 4 ans.

Une chose intéressante qu’explique Ken est comment ils sont arrivés à la date de 1911, date qui correspond à la naissance de Granny. Je m’étais toujours demandé comment on avait pu déduire cette date sans jamais avoir entendu cette histoire. Je pense qu’ils avaient tous deux des photos de J1 Rufles et de J2 Granny qui avaient déjà toutes deux la taille d’un adulte. Comme les orques atteignent leur taille maximale à l’âge de 20 ans, ils ont estimé que l’année de naissance de Rufles était de 1951 (1971 – 20 ans). À la manière dont les deux orques étaient associées, ils ont très vite suspecté que Granny était la mère de Rufles. Comme Granny n’a jamais eu de petit, l’étude a conclu qu’elle était ménopausée et que Rufles était certainement son dernier enfant. Les femelles orques étant ménopausée dès l’âge de 40 ans et en supposant qu’elle l’ait eu juste avant sa ménopause. Son âge de naissance estimée est donc proche de 1911 (1951-40 ans)(17)

Avez-vous vu le documentaire Blackfish ? Qu’en avez-vous pensé ?

JK : Exactement tout ce que je viens de vous dire. Et il y a autre chose qu’il ne faut pas oublier : nous, nous connaissons les gens qui parlent, on connaît leur réputation, on sait pourquoi ils ont une dent contre notre métier : c’est parce que pour la plupart, ils ont été licenciés. C’est le cas d’un certain monsieur Hargrove (ndlr : le témoin principal dans Blackfish). Sur Internet, il a dit tout et son contraire, ce monsieur a le nez qui pousse à chaque fois qu’il parle, moins crédible que lui ça n’existe pas !

DC : À juste titre Blackfish est un documentaire ayant été justement récompensé et pour lequel de nombreuses sérieuses recherches ont été menées. Marineland avait une toute autre opinion de John Hargrove qui était Senior trainer à SeaWorld lorsqu’ils l’ont engagé pour apprendre à leurs dresseurs comment nager avec les orques. Il faut savoir que John n’a pas été licencié mais qu’il a démissionné le 17 août 2012 après la mort d’Alexis Martinez et de Dawn Brancheau.

À contrario le vétérinaire du parc océanographique de Valence a lui été licencié et c’est encore une méthode des communicants de Marineland que de tout mélanger afin de rendre difficile de démêler le vrai du faux…

John étant considéré comme l’un des meilleurs dresseurs d’orques du monde, tout laisse à penser que son témoignage est crédible. Ce n’est pas en le dénigrant de façon grossière que les réalités du film Blackfish s’effaceront d’elles-mêmes, ni celles que nous révèle son livre(3).

Vous ne pensez pas que la captivité puisse rendre fou un animal ?

JK : Comment ferions-nous, si vraiment ils étaient rendus fous par la captivité ? Des animaux fous moi je n’approche pas du bassin ! Ils sont nés chez nous, elle est où la captivité ? Il n’y a pas de privation de quoi que ce soit, il y a privation lorsque vous êtes conscient de ce qui se passe à l’extérieur, donc ils ne peuvent pas avoir de privation. Ils font des petits, ils font naître des bébés dans ces conditions. La nature a une soupape de sécurité chez les femelles qui empêche les bébés de naître dans des conditions défavorables, une femelle battue, malheureuse, etc, elle ne cycle pas. Une femme non plus. Vous dérangez suffisamment une femme avec son boulot, avec son mari, etc, il y a des cycles qui sont troublés. Mais ce n’est pas le cas chez nous, elles cyclent régulièrement, elles font des petits, elles les élèvent, elles sont comblées et les petits sont nés dans des conditions qu’ils estiment naturelles, parce que culturellement tout ce que vous apprenez de maman devient naturel. Je ne vois aucune souffrance. La captivité de toutes façons est un état d’esprit.

DC : Un nombre considérable de cétacés captifs ont tenté de se donner la mort. Il existe une vidéo d’un suicide en direct, commis par une pseudorque dans un delphinarium japonais. Mais nous pouvons aussi parler de deux cas récents. Le premier concerne une fausse orque qui s’est jetée hors de son bassin du Churaumi Aquarium d’Okinawa. Un suicide qui fut farouchement démenti par la presse japonaise dans son ensemble ! Et celui de Rand, un dauphin souffleur qui fit de même au Marineland, en Floride. En fait, le Marine Mammal Inventory Report qui répertorie l’ensemble des décès de cétacés captifs aux Etats-Unis, dans le cadre de la loi de protection des mammifères marins (marine mammal act) rapporte de nombreux cas similaires.

Bimbo le globicéphaleBimbo le globicéphaleDeux cas anciens : en août 1967, Marineland a finalement libéré Bimbo le globicéphale, après 8 ans de captivité. Bimbo avait agressé d’autres animaux et ses propres gardiens, il avait brisé une fenêtre d’observation et avait été placé sous sédatifs. Le Dr. M.E. Webber, un médecin spécialisé dans les soins aux cétacés, a décrit Bimbo comme un « psychotique » (cité par Valentry, 1969). Corky, l’orque du même Marineland, a également brisé la fenêtre d’observation le séparant du public, ce qui a entraîné la perte de plus d’un tiers de l’eau du bassin.

Le fait de se ressentir captif n’est pas lié au lieu de naissance mais essentiellement lié à un processus inné et génétique. La morphologie, les sens et modes de pensées sont liés à leur milieu naturel…

L’horreur instinctive des murs, des limites, de l’enfermement fait partie de l’ADN des cétacés, tout comme le besoin d’épanouir leur intelligence et leur sociabilité au contact d’un grand nombre de partenaires dans un milieu marin. Naître captif n’empêche pas un jeune mâle de 12 ou 13 ans de devenir violent ou rétif, tant son besoin de voyager est intense. Il en serait de même pour un adolescent en prison.

Le Marineland d’Antibes est spécialisé dans l’insémination artificielle. Les cycles sont interrompus puis réactivés grâce à un médicament nommé Regumate, utilisé généralement pour les truies. Le sperme de Kim2 s’est très bien vendu et fait rire une dresseuse sur une photo. Les petits sont confiés au dresseur dès le sevrage et le dressage commence vers 36 mois. La mère est priée d’y prendre une part active. Il s’agit d’une culture de l’obéissance. On enseigne au dauphin à ne pas prendre d’initiatives personnelles.

L’insémination artificielle est une pratique courante

Admettons que vous naissiez dans un studio de 30 mètres carrés, vous ne voyez rien d’autre, vous y passez votre vie : vous n’aurez eu aucun comparatif mais vous allez devenir fou là dedans ?

JK : C’est totalement incomparable. Je vous ai parlé de l’intelligence des animaux, là vous pratiquez l’anthropomorphisme. C’est absolument incomparable à l’homme. Si je vis dans un studio, j’aurai accès à beaucoup d’informations, au monde entier, je saurai, par la télé, par la radio, par Internet, ce qui se passe dehors. Les gens qui vivent au fin fond de la Russie voient très bien ce qui se passe dans le reste du monde, ils sont malheureux dans leur trou. Mais pas un dauphin, qui n’a aucune connaissance du monde extérieur parce qu’il ne sait pas qu’il y a un extérieur. Il ne faut pas attribuer à un dauphin la capacité intellectuelle d’un homme, c’est pour ça que je met le holà au niveau de l’intelligence. C’est un animal, il faut que nous restions raisonnables à ce niveau. Ceux qui peuvent dire que les animaux sont bien ou pas bien sont ceux qui les côtoient quotidiennement. On ne les voit pas se taper la tête contre les murs, ni essayer de se suicider… Vous savez jusqu’où vont les activistes ? J’ai vu une photo publiée d’un dauphin échoué chez nous, parce que nos dauphins s’échouent, ils jouent sur les plateformes. Les activistes avaient écrit que c’était une tentative de suicide, non mais franchement ! Si on devait sauver nos animaux du suicide quotidiennement, on n’aurait plus d’animaux dans une semaine, c’est du grand n’importe quoi ! Il n’y a pas de malheur chez nous, je côtoie les animaux quotidiennement, et je vois le bonheur avec lequel ils participent aux spectacles. Par contre, si il n’y avait pas les soigneurs, là ça serait terrible. Parce que si il n’y avait pas la gymnastique cérébrale apportée par les soigneurs… l’ennui, ça c’est le malheur.

DC : Encore une fois l’argumentation est pour le moins troublante. Ces activités, qui servent en partie à dissiper l’ennui et nous l’avons vu, ne sont souvent proposées qu’à horaire fixe à l’instar de ce qui se passe dans les prisons et avec les conséquences nombreuses et très documentées sur l’état de santé mental des prisonniers condamnés pour de longues peines.

Cathy, un des dauphins, jouant le rôle de flipper s'est suicidée dans les bras de Ric'O'BarryCathy, un des dauphins, jouant le rôle de flipper s’est suicidée dans les bras de Ric’O’BarryCes activités ne peuvent en aucun cas représenter l’ensemble des interactions que les cétacés ont dans leur milieu naturel, aussi bien avec celui-ci mais aussi avec les congénères qu’ils sont amenés à rencontrer.

Nous pouvons conclure, de leurs propres aveux et de par le fait que ces activités sont réduites par rapport à celles qu’ils ont dans leur milieu naturel, que la captivité est bien néfaste à la santé au bien être mental des cétacés captifs.

Ce qui explique que les orques et dauphins captifs présentent de nombreux troubles et tics liés à leur condition de vie et qui sont engendrés par la captivité. De plus, compte tenu du fait que la plupart des cétacés captifs de la seconde génération ont toujours parmi leur parent un dauphin né en liberté, on peut aussi supposer que le père ou la mère transmettent des images sonores de l’océan à leurs enfants.

Pouvez-vous nous donner des nouvelles des dauphins Eclair, Mila-Tami et Alizé, que certains estiment disparus ?

JK : Eclair est mort en février 2015 d’un cancer de la prostate, Mila-Tami en janvier 2015 d’une occlusion gastrique provoquée principalement par des matières végétales. Alizé est toujours là, dans le bassin à spectacles, je viens de lui dire au revoir avant de partir. Quand vous travaillez avec un animal qui vit moins longtemps que vous, forcément, un jour ou l’autre, vous avez à faire à la mort. Nous avons chez nous plus de 3000 animaux, donc il y a des morts tout le temps. Le taux de mortalité chez nous est de 100%, inévitablement. Mais personne ne vous parle des 5 naissances que nous avons eu l’année dernière…

DC : En effet, nous ne parlons pas des naissances car faudrait-il encore parler des naissances de cétacés obtenues par insémination artificielle ou via les cas d’inceste entre les mammifères marins captifs. De même, Il est difficile de parler de conservation alors qu’aucun « élevage » de cétacé n’a jamais servi au renforcement des populations sauvages. Le seul aspect législatif pris en compte dans l’aspect de conservation est celui dit de l’éducation. Mais nous sommes à même de nous demander quelle est la pertinence de ce qu’ils apprennent à leurs visiteurs alors même que, et nous l’avons prouvé durant ce contre argumentaire, la plupart si ce n’est toutes les informations qu’ils fournissent sont imprécises et que même les conclusions des études qu’ils citent, notamment dans leurs vidéos, sont manipulées afin de justifier l’existence de ce type d’établissement.

La réintroduction est possible, pour rappel, Keiko n’est pas morte de faim mais parce qu’elle était malade. Ne prenez pas un exemple isolé non comparable pour rester sur la défensive et ainsi affirmer sans preuve réelle que la réintroduction des dauphins ou des orques est impossible. D’autant qu’il existe de nombreux cas de réintroduction réussis, tel que l’orque Springer, les dauphins nés en captivité Shandy et Pashosh

De plus, il ne reste que 11 dauphins au sein du parc… Et plus de 29 sont morts dans les bassins de Marineland. Le cancer de la prostate et la mort par ingestion de matières végétales est plutôt rare en mer. Mais il est fréquent qu’un dauphin captif ingère par ennui des corps étrangers – comme des algues, gorgées de chlore sur le fond du bassin ou des feuilles mortes dans le lagon – qui finissent par le tuer. Un dauphin peut vivre plus de 60 ans dans de bonnes conditions. Ce n’est manifestement pas le cas à Marineland où aucun dauphin n’a jamais atteint la quarantaine.

Au manque de transparence de cette entreprise commerciale s’ajoute un problème récurrent : l’absence de tout registre officiel accessible au public, reprenant l’ensemble des dauphins captifs en Europe et la photo de leur aileron dorsal, comme c’est l’usage pour les communautés de cétacés libres étudiées par des scientifiques.

Aucun équivalent du Marine Mammal Inventory Report (USA) n’existe en effet au niveau de l’Union européenne et tous les décès ou transferts peuvent se faire en l’absence de contrôle.

Pire encore, des importations secrètes peuvent avoir lieu depuis des pays étrangers sans que personne ne s’en rende compte (du moment que le nombre de dauphins reste le même). De lourdes suspicions pèsent à cet égard sur certains delphinariums européens, qui pourraient se fournir via une filière Asie-Iran-Russie-Europe. Nous savons déjà que des dauphins de Taiji se trouvent sur le territoire de l’Union européenne…

Références

1 : Achieving True Sustainability of Zoo Populations / Robert Lacy

2 : http://www.seashepherd.fr/news-and-media/news-20140720-fr-01.html

3 : Bouquin : Beneath the surface / John Hargrove

4 : chapitre : Cetacean Captivity par Lori Marino tiré du bouquin « ethics of captivity » de Lori Gruen

5 : revue Creative Conservation : Interactive Management of Wild and Captive Populations / Beck

6 : A survey of the environnements of cetaceans in human care / Couquiaud

7 : L’ apprentissage ches les orques en captivité / Sarran

8 : Les différents documents disponibles :

9 : http://projectbrainsaver.blogspot.fr/2011/09/plos-one-towards-new-paradigm-of-non.html

10 : http://www.onegreenplanet.org/news/scientist-challenges-seaworld-on-orca-research/

11 : http://blog.slate.fr/globule-et-telescope/2011/01/21/orques-mangeurs-de-requins/

12 : Dauphin, mon cousin Robert Sténuit

13 : http://www.dauphinlibre.be/langage.htm#Harderwijk

14 : Publiée sous le titre «The Ability of Bottlenose Dolphins to report Arbitrary Information » (« Capacité du dauphin Tursiops à communiquer des informations abstraites ») dans un ouvrage collectif financé par l’OTAN et le delphinarium de Harderwijk.

15 : https://www.ted.com/talks/denise_herzing_could_we_speak_the_language_of_dolphins

16 : http://www.sciencesetavenir.fr/animaux/20150720.OBS2836/droit-des-animaux-un-employe-de-seaworld-aurait-infiltre-l-association-peta.html

17 : Les différents documents disponibles :

Réponses au nom de La Dolphin Connection écrites conjointement par Ludovic, Yvon, Christophe et Pierre.