Article traduit par Ludovic – La Dolphin Connection

Article original : http://www.takepart.com/article/2015/02/19/127-million-reasons-why-cove-dolphin-slaughter-continues?cmpid=tpanimals-eml-2015-02-21-ric

Alors que le nombre de dauphins tués et capturés à Taiji, au Japon, a tendance à diminuer, suite à la réalisation du film « The Cove » qui a permis de montrer au monde entier ce qui se passait dans cette sordide baie, Ric’O’Barry est loin d’être satisfait et une si petite victoire ne suffit pas à le consoler.

O’ Barry, 75 ans, dit qu’il ne pourra mettre un terme à son rôle d’activiste à Taiji, que lorsqu’il pourra se tenir « sur les rochers surplombant la baie, regarder celle-ci et se dire que la chasse est finalement terminée. »

Tant que ce jour ne sera pas arrivé, O’ Barry et son équipe de volontaires du Dolphin Project y seront présents, comme ils l’ont toujours été depuis 2003, une présence très visible et pacifique sur le sol japonais, documentant et reportant les activités journalières des 30 pécheurs qui se livrent à ces massacres. « Il n’est pas facile de livrer ce combat, c’est sûr, et je ne compte pas m’en aller, même à mon âge »  dit-il

Alors que la saison de la chasse aux dauphins de 2014-2015 approche de sa fin, qui est prévue pour le 1er mars, O’ Barry parle avec le site TakePart depuis sa maison de Miami, s’engageant dans une discussion qui couvre les nombreux aspects liés à ces massacres, tout en incluant les raisons qui font que ceux-ci continuent et ce qui pourrait y mettre un terme selon lui.

TakePart : La première de The Cove a eu lieu il y a plus de six ans, au festival cinématographique de Sundance en 2009. Vous expliquiez alors, en vous asseyant dans le théâtre « Park City » de l’Utah, que vous étiez convaincu que la chasse allait enfin se terminer. Et pourtant, toujours en 2015, les massacres et les captures de dauphins à Taiji continuent d’avoir lieu. Que s’est-il passé ?

Ric O’ Barry : Robert Redford m’a dit, peu après la projection du film au festival de Sundance, que c’était la première fois qu’il voyait un documentaire y recevoir une standing ovation. Ce film a gagné le prix de l’audience américaine et plus de 100 autres prix dans les différents festivals du monde, et à chaque projection le film était acclamé. Mais ce n’est pas le tonnerre d’applaudissement que le film recevait à chaque fois, même si cela faisait plaisir, qui m’a fait prédire la fin de la chasse. Mais surtout le fait que le film mettait en avant les problèmes liés au taux de mercure contenu dans la viande de dauphins. Mais la chasse continue. Et elle continue parce qu’il y a 127 millions de japonais qui n’ont toujours pas vu ce film.

TakePart : Pourquoi ne l’ont-ils pas vu ?

O’ Barry : Ils n’y ont pas accès. Malheureusement, il n’a jamais été diffusé gratuitement sur internet au japon et n’a donc pas pu atteindre l’opinion japonaise. Un distributeur possède les droits pour le pays. Et il n’y a jamais permis que le film soit visible gratuitement. Il faudrait que quelqu’un, n’importe qui, puisse racheter les droits à ce distributeur, parce qu’à chaque fois qu’une personne essaie de le mettre en ligne sur l’équivalent de leur YouTube, le film est retiré immédiatement. Mais il faudrait aussi mettre en place une importante campagne de promotion pour inciter les japonais à le regarder. Alors et seulement, le Japon pourrait faire marche arrière. Pourquoi ? À cause de l’angle sanitaire. Cela serait suffisant.

TakePart : A combien s’élève les droits ?

O’ Barry : A 30000$, relativement parlant, ce n’est vraiment pas cher, au regard des sommes qui ont été investies afin d’essayer de mettre fin aux massacres. Nous sommes en train de travailler pour résoudre ce problème, et nous n’avons pas dit notre dernier mot.

TakePart : L’ambassadrice américaine au Japon, Caroline Kennedy, a fait des vagues en dénonçant l’industrie de la captivité en janvier 2014, tweetant son opposition à la chasse aux dauphins qui a lieu au Japon. Vous aviez dit à cette époque que vous vouliez la rencontrer. L’avez-vous fait ? Que s’est-il passé ?

O’ Barry : Je suis allé à l’ambassade avec une délégation et Izumi Ishii, un ancien chasseur de la ville de Futo qui organise désormais des rencontres avec les dauphins sauvages. L’ambassadrice était en voyage hors du pays. Nous avons rencontré son équipe, mais celle-ci n’était pas vraiment réceptive, c’est le moins que l’on puisse dire. J’ai eu l’impression que ce tweet lui avait posé de nombreux problèmes. C’était une déclaration spontanée, je pense, et il n’y a pas eu de suite notamment avec l’ambassadrice. Mais une fois que notre pétition aura obtenu plus de 1 millions de signatures, nous retournerons la voir et nous essaierons encore. Nous ne laisserons pas tomber cet aspect du dossier relatif à Caroline Kennedy.

TakePart : L’année dernière « The Japan Times » a publié un article indépendant condamnant la chasse.

O’ Barry : Cet article pointait le fait qu’Izumi Ishii expliquait depuis des années que celle-ci n’est pas traditionnelle, à l’inverse de ce que disent les pêcheurs. Ce n’est pas un fait culturel. Elle a commencé en 1969 et ne peut donc pas être considérée comme étant une tradition liée à la culture japonaise. Et même si c’était le cas, il n’y a pas de raison qu’elle continue. Notre culture a toujours refusé aux femmes le droit de vote. Et pourtant nous leur avons accordé. Notre culture était esclavagiste. Et nous avons aboli l’esclavagisme.

TakePart : 8 enfants de Thaïlande sont venus observer la chasse le mois derniers en tant que jeunes témoins pour votre organisation, The Dolphin Project. Pouvez nous en dire un peu plus sur le fait de passer le relais aux générations futures ?

O’ Barry : La meilleure façon de faire bouger les choses est par l’exemple. Nous espérons que ces enfants serviront d’exemple et en fait, nous voyons désormais des écoliers, des citoyens ordinaires et japonais venir à taiji. A ce titre, ce sont des sortes de pionniers. Habituellement, il n’y a que des activistes là-bas – The Dolphin Project et d’autres organisations. Mais maintenant nous voyons des gens ordinaires s’y déplacer. J’attendais cela depuis longtemps.

TakePart : Qu’en est-il de la proposition de création d’un parc marin à Taiji ?

Cette carte montre où les dauphins capturés en 2013 ont été vendus

O’ Barry : Ils travaillent dessus. Ils ont déjà construit des sortes de bassins marins. Personnellement, je ne pense pas que cela puisse marcher. Je ne pense pas que les touristes y aillent. Pensez un peu à ce qu’ils proposent : voir des dauphins effectuer des sauts et des tours de cirque dans un bassin marin, alors qu’à côté des pêcheurs sont en train de tuer leurs congénères. Vraiment ? Vraiment ?

TakePart : Plus d’un an auparavant, les pêcheurs de Taiji ont capturé un dauphin albinos, que les activistes ont surnommés Angel. Actuellement, elle vit dans un bassin du musée de la baleine à Taiji. Comment va-t-elle ? A quoi est-elle destinée ?

O’ Barry : Je l’ai vue le mois dernier. J’ai été au contact des dauphins pendant 50 ans, et je suis à même de comprendre leurs expressions corporelles, et je peux vous dire qu’elle s’ennuie énormément. Elle est prisonnière dans un petit bassin avec deux autres dauphins d’espèces différentes ; Ils n’arrivent pas vraiment à se socialiser. On m’a dit qu’elle est à vendre pour 500000$, et qu’ils attendent un acheteur. Nous avons parlé du fait d’essayer de lever des fonds pour la déplacer dans un sanctuaire, mais payer une rançon pour libérer des otages n’a jamais résolu le problème. Angoisse est le premier mot qui me vient à l’esprit, vous voulez vous arracher les cheveux et crier, et voilà où nous en sommes avec elle.

TakePart : Qu’est-ce qui vous fait encore continuer ce combat année après année ?

O ’Barry : Si j’avais arrêté d’y penser, je n’aurais certainement pas continué. J’ai vraiment cru en voyant le film au festival de Sundance, que cela serait suffisant pour mettre un terme aux massacres. Mais j’étais persuadé qu’il serait vu au Japon. Cela n’a pas été le cas. Ils ne sont pas informés de ceci, alors que les citoyens occidentaux pensent que cela est acquis. Si vous voulez résoudre un problème, votre première préoccupation et de mettre l’opinion au courant, et ensuite vous pouvez agir. Nous devons et nous avons le devoir d’atteindre l’opinion japonaise – même si en voyant le film ils ne croient seulement qu’à la véracité du problème sanitaire lié au mercure, cela peut être suffisant. Cela peut y mettre un terme.