Article de Barbara Krief, paru sur le site du Nouvel Observateur, le 28 mars 2014.

« Avec l’annexion de la Crimée le 20 mars dernier, la Russie hérite de troupes militaires ukrainiennes originales : des dauphins de combat, qui vont rejoindre l’armée russe.

Les dauphins et otaries de combat, qui appartenaient à la Crimée et à la Marine ukrainienne, passent sous le contrôle de la Marine russe. Un changement de nationalité, qui est aussi un changement de destin. En effet, devenus russes, les cétacés ont vocation rester des soldats de guerre alors que sous le drapeau ukrainien, ils étaient promis à une autre carrière : à la fin du mois d’avril, ils devaient servir d’animaux de compagnie au service d’enfants handicapés.

De très bons chercheurs

Réputés pour être non-violents, les dauphins sont néanmoins d’excellents chercheurs. Leur mission sera d’aider les plongeurs à détecter des engins explosifs au fond de la mer Noire. Un responsable de l’océanarium de Sébastopol, situé dans le sud-ouest de la péninsule de Crimée, confirme :

« Nos grands dauphins seront engagés dans des entraînements conjoints avec les plongeurs au cours desquels ils devront détecter des objets et des munitions immergés. »

Dix dauphins auraient subi une première batterie de tests après avoir été sélectionnés. Prochaine étape : apprendre à patrouiller dans une zone délimitée et à protéger le territoire contre d’éventuelles intrusions.

Il faut dire que les mammifères marins ont beaucoup de qualités militaires. Ils peuvent rechercher des objets à une grande profondeur et les ramener à la surface, protéger les bases navales contre les attaques de scaphandriers, repérer et neutraliser les commandos sous-marins, découvrir et localiser des mines, et même filmer les conduites et les pipelines sous-marins pour repérer les endroits endommagés ou les explosifs installés par l’ennemi.

Un employé de l’oceanarium de Sébastopol explique à l’agence de presse russe RIA Novostis :

« Les ingénieurs de l’oceanarium créent de nouveaux instruments en vue d’utiliser plus efficacement les grands dauphins et les otaries. Nos spécialistes œuvraient pour concevoir des appareils envoyant un signal de détection d’une cible sous-marine par le dauphin sur l’écran d’un ordinateur. Mais la Marine ukrainienne n’avait pas les fonds requis pour développer ce savoir-faire et nous avons été obligés de fermer certains projets. »

Retour vers la guerre froide

Comme un arrière-goût de guerre froide. Aussi improbable que cela puisse paraître, les dauphins, d’abord utilisés par l’armée soviétique, faisaient partie de la course aux armements entre URSS et Etats-Unis pendant la guerre froide. Héritage de cette période historique : il n’existe aujourd’hui que deux centres d’entraînement de dauphins soldats dans le monde. L’un se trouve à Sébastopol en Ukraine, l’autre à San Diego, aux Etats-Unis.

En 1973, l’URSS avait créé un programme, dans un delphinarium de guerre, où les cétacés étaient dressés pour devenir des kamikazes marins. Leur mission : infiltrer les lignes ennemies, neutraliser des nageurs militaires et poser des mines sur des navires de guerre, expliquait le « Le Parisien » en 2012.

« Des couteaux et des pistolets étaient fixés sur leur tête, tout comme un baudrier spécialement conçu pour transporter des mines. Plus tard, ce delphinarium de guerre a également entraîné des phoques, des éléphants de mer et des orques », détaille le site internet d’information. Le delphinarium n’a pas survécu à la chute de l’Union soviétique mais il a pu rouvrir ses portes en 2012.« 

Article : Le Nouvel Observateur